Viarge! Pourquoi Françoise Stéréo?

Programmatique_Viarge_656x490LE COLLECTIF

 

On va nous poser la question, aussi bien y répondre tout de suite. Pourquoi sentir le besoin de s’exprimer en tant que féministes dans un Québec où, nous dit-on, les femmes sont choyées? D’abord, nous ne nous sentons pas si « choyées » lorsque nous voyons une publicité pour un MILF-O-THON (dont MamZelle Tourmente nous parle ici), des autocollants TDF (toutes des folles) sur vos chars ou encore ces jouets d’enfants que les fabricants tiennent mordicus à diviser garçon/fille pour nous montrer à quel point nous sommes différentes (un mini aspirateur rose et mauve pour Noël ma grande?). Ensuite, l’égalité réelle est loin d’être atteinte. Les femmes continuent d’être victimes de nombreuses violences, parfois dans l’indifférence totale; pensons aux centaines de femmes autochtones assassinées ou disparues. Qu’on considère le revenu total ou le salaire horaire, elles continuent d’être payées moins que les hommes. S’il est vrai qu’elles semblent favorisées dans le milieu scolaire (elles sont, par exemple, plus nombreuses que les hommes à être titulaires de diplômes de baccalauréat), leur capital scolaire n’est pas automatiquement converti en un capital économique conséquent.

Féministes, d’accord, mais pourquoi une revue? Parce que trop peu de femmes prennent la parole dans les revues intellectuelles au Québec. Dans les médias en général, les chroniqueurs et les experts se prononçant sur des enjeux culturels, politiques, sociaux et économiques sont en très forte majorité des hommes; les femmes sont trop souvent cantonnées aux « intérêts féminins » (le courrier du cœur, la consommation, les sections vivre et bien vivre, parce qu’il faut évidemment performer aussi dans le « vivre »), à la critique légère et aux questions reliées à leurs fonctions traditionnelles (soins, famille, éducation et petite enfance). Oui, oui, il y a des femmes de pouvoir et des hommes qui tiennent des chroniques d’horticulture. Des exceptions. La grille d’analyse féministe est parfois présente dans certains médias de gauche, mais elle ne se retrouve que ponctuellement dans des publications plus généralistes et fait toujours l’objet d’un certain mépris.

Françoise Stéréo sera donc une revue intellectuelle et d’idées portée par le projet féministe, ouverte à son lectorat et curieuse de tout. Nous croyons qu’il est toujours nécessaire d’affirmer nos féminismes et souhaitons joindre nos voix à celles qui existent déjà. Nous saluons le travail des revues savantes féministes (Recherches féministes, FéminÉtudes), des Éditions du remue-ménage, des intellectuelles québécoises qui montent au front, et bien sûr de toutes ces filles qui s’activent sur le Web, chez jesuisféministe par exemple, pour ne nommer qu’elles. Nous voulons également mettre en valeur l’héritage de celles qui nous ont précédées; dans ce premier numéro, dédié à Hélène Pedneault, Françoise Guénette nous parle de son passage à La Vie en rose.

La revue est dirigée par un comité éditorial non mixte et la publication sera trimestrielle. Les numéros seront organisés autour de dossiers thématiques qui comprendront des textes longs permettant de traiter d’un sujet en profondeur. En plus des textes faisant partie du dossier, diverses rubriques récurrentes marqueront la nature périodique de la publication et pourront donner lieu à des textes personnels, humoristiques ou revendicateurs. Parmi nos collaboratrices, Lucie Joubert sera notre gérante d’estrade,Caroline Allard nous donnera son point de vulve et Pierre-Luc Landry s’occupera à la déconstruction des stéréotypes. En revanche, les textes du dossier vont se caractériser par un contenu plus analytique. Toutes les approches sont bienvenues : analyses littéraires et linguistiques, politiques, sociologiques, philosophiques, historiques pourront se côtoyer dans un même numéro.

Les féminismes sont nombreux; Françoise Stéréo entend faire résonner les voix d’un mouvement pluriel et pourra être un lieu de débat. Le flambeau que nous ont passé nos mères et nos grands-mères n’est pas éteint. Nous comptons le lever bien haut pour éclairer la pensée des unes et les préjugés des autres.

 

Le collectif

Marie-Andrée Bergeron
Valérie Gonthier-Gignac
Djanice St-Hilaire
Catherine Lefrançois
Marie-Michèle Rheault
Julie Veillet