Valérie Lefebvre-Faucher
Orchestre catatonique
Parler d’économie du point de vue de la marchandise, c’est une belle expérience d’empowerment.
Nous collectionnons les semi-trésors trouvés
dans les semi-viols.
On les frotte, les contemple, on se les raconte en cachette
les unes aux autres
pour en faire des récits de victoire.
La phaléristique des pauvres.
Chevalière de l’ordre des genoux pétés, grande duchesse de la plus méritoire réparation. Je suis allée jusque-là, regarde je me suis recousue, et toi? (Le matin sans chandail, dans une rue inconnue, marcher vingt minutes avec son sac sur les seins, faire des jokes aux travailleuses d’usine. Sentir dans ses veines une substance qu’on n’a pas choisi d’y mettre, se demander si c’est le début ou la fin du trip, essayer de se souvenir du nom de la compagnie Roche. Saigner dans le taxi qu’on ne peut pas se payer, ne rien trouver pour cacher ses bleus, ne pas éviter le regard que les autres portent sur la misère, le supporter comme le soleil de midi, dur sur le crâne, la peau fière, à chacun sa peste. Et toi, combien d’érections de plus que prévu, combien de mains, combien de demandes éléphants, de demandes à ressort, combien d’ordres? Quels mots doux as-tu ajoutés au palmarès des je t’aime trash? Beurrée de sueur, de rires nerveux, assise sur le plancher de la cuisine, combien de temps as-tu attendu que ça sèche, les contusions vaseuses, jusqu’à pouvoir marcher dessus?)
Nous sommes des filles capables d’en prendre. Nous répondons au critère littéraire
de l’avant-garde classique.
Avec nos couronnes qui mouillent sous les crocs
Quand il est question de troc, nous vous préférons brutaux
éjaculateurs précoces.
Nous nous occuperons de notre plaisir nous-mêmes
faites que la gymnastique rythmique soit de courte durée
car la tenue et le courage s’étiolent
quand ce qui s’échange n’est pas clair
Et même quand il a été démontré que l’échange ne nous laisse rien à gagner ni à perdre, que des mutations pathogènes. Même quand nous avons perdu le sourire de marchandes.
Personne ne négocie avec les pauvres.
C’est pourquoi nous investissons, quand les petits sont couchés, dans le militantisme. Économie du partage, revalorisation du don, réseau d’échange de services.
Pourquoi n’avons-nous donc pas l’impression de faire partie de la révolution?
Valérie Lefebvre-Faucher n’a pas encore accepté la fin du monde. C’est une éditrice qui cherche de l’espoir pour l’humanité dans les livres.