Suis-je une maladie, docteur?
Suzy Boudreault
Québec, 1977
Suzy a 17 ans. Elle patiente depuis quelques minutes dans le bureau de la secrétaire du directeur du personnel d’une grande entreprise de téléphonie. Elle se tient bien droite sur sa chaise, le regard illuminé par l’espoir d’obtenir un poste de commis pour l’été. Suzy a confiance en elle. Elle se sent prête pour cette première entrevue d’embauche. Elle est bien décidée à faire valoir ses compétences et à convaincre le directeur qu’elle sera fiable et dévouée. Soudain, un trouble l’envahit. Ses idées se dispersent dans une brume nauséeuse. Ses jambes deviennent lourdes et son ventre se contracte. « Ah non », songe-t-elle avec désespoir, « pas ici, pas maintenant! » Elle ne bouge plus, respire lentement, se convainc que si elle reste parfaitement immobile, son utérus fera de même et que tout rentrera dans l’ordre. Elle a chaud. La tête lui tourne. La secrétaire se lève et vient vers elle :
– Mademoiselle, vous êtes toute pâle. Est-ce que ça va?
Suzy respire profondément, s’accroche encore, voulant croire que, comme le disent les héros au cinéma, l’esprit est plus fort que la matière. Elle aimerait rassurer la secrétaire, mais le regard qu’elle lui lance ressemble à un appel à l’aide. La secrétaire lui parle. Suzy ne l’entend plus. Elle craint de perdre connaissance. Elle concentre toute son énergie à empêcher la vague de l’engloutir.
– Voulez-vous que j’appelle une ambulance?
– Non! réussit-elle à articuler.
– Un taxi? Vous n’allez vraiment pas bien là. Je pense que ce serait mieux que vous retourniez chez vous.
Suzy acquiesce silencieusement. Elle a honte. Elle a tout raté. Elle n’aura jamais cet emploi parce que ses menstruations sont arrivées au mauvais moment. Dans le taxi qui la ramène chez sa mère, elle n’a plus qu’une seule pensée : arriver chez elle avant que le sang inonde la banquette et que l’humiliation s’ajoute à l’échec.
Cette jeune fille, c’est moi il y a quarante ans. Je souffrais d’endométriose, mais je ne le savais pas encore à cette époque. Chaque mois, je prenais le lit pour un ou deux jours et je me débattais de longues heures contre les spasmes de mon utérus qui secouaient mes organes internes en tous sens. J’avais envie de vomir, j’avais envie de chier, j’avais mal au ventre, mal aux reins et au dos, et je voulais mourir.
Ma mère me tenait la main tout le temps que cela durait en respirant avec moi et me répétant qu’elle avait vécu la même chose à mon âge et que tout cela cesserait à mon premier enfant. Il n’y avait qu’une seule manière de guérir des menstruations douloureuses et c’était d’enfanter. [1]
* * *
Québec, 2016
Ariane s’est levée avec un léger mal de tête. Elle se sent nerveuse et un peu irritable. Elle se prépare un café avant de partir pour l’université. C’est l’examen de métho ce matin. Elle ouvre le frigo pour prendre le carton de lait et en verse dans sa tasse de café. Dès que les gouttes touchent le liquide, elles se transforment en grumeaux brunâtres.
Ariane pousse un long soupir. « Y’a des jours comme ça », se dit-elle avec philosophie. Elle devrait quand même manger quelque chose avant de partir, mais elle n’a pas faim. Peut-être que l’air frais lui ouvrira l’appétit. Elle enfile son coupe-vent, saisit son sac à dos et saute dans ses baskets. Elle observe un moment la clef de son cadenas de vélo… mais bof, elle prendra l’autobus, elle ne se sent pas très en forme. Pourtant, elle a bien dormi la nuit dernière. C’est sans doute le stress de l’examen, se dit-elle en dévalant l’escalier.
Lorsqu’elle arrive au coin de la rue, elle aperçoit l’autobus qui attend au feu rouge. Si elle pique un sprint, elle devrait réussir à l’attraper. Elle traverse la rue d’un trait, une crampe la plie en deux en arrivant sur le trottoir. L’autobus démarre. Ariane court vers l’arrêt en se tenant le ventre, l’autobus passe sans s’arrêter. « Y’a des jours comme ça », se répète-t-elle en maugréant un peu tout de même.
Elle patiente 15 minutes en textant avec des amis. Christian ne lui répond pas. « Fait chier! » Elle voit bien qu’il est en ligne. Ariane révise ses notes de cours une fois assise dans le bus. Elle a de la difficulté à se concentrer. Ses pensées vagabondent, son attention refuse de se fixer. Elle craint que Christian n’ait pas terminé sa partie du travail d’équipe qui doit être remis demain.
L’autobus se gare devant le pavillon Desjardins. Une pluie fine se met à tomber. Ariane rabat le capuchon de son coupe-vent sur sa tête. Au moins, madame météo partage son avis sur cette journée. Lorsqu’elle arrive au café étudiant, Christian est là, affalé sur le canapé au fond du local. Elle va vers lui et aborde le sujet directement :
– J’ai pas reçu ta partie pour le travail, tu l’as-tu envoyée?
– Ah non, j’ai pas eu le temps de la faire, répond-il d’un ton léger.
Ariane reste quelques secondes silencieuse. Elle n’est pas d’humeur à se faire niaiser.
– Comment ça, t’as pas eu le temps?
– Ah! Jeff est venu faire un tour et on a joué à Lovecraft toute la soirée.
Ariane explose. Elle le traite d’adolescent immature, de tête brûlée, d’égoïste individualiste qui ne pense pas aux autres, aux conséquences de ses gestes sur les autres. Christian essuie la tempête d’un œil morne, puis lâche dans un sourire méprisant :
– C’est quoi là? T’es en SPM?
* * *
Peut-être qu’Ariane se trouve sous l’effet du syndrome prémenstruel. Peut-être que si son niveau hormonal eut été légèrement plus bas ou plus élevé, elle aurait réagi différemment. Mais peut-être aussi que n’importe qui ayant la migraine, sauté son café, raté son autobus et se trouvant mal préparé pour son examen aurait explosé de la même manière devant le manque de coopération flagrant de son collègue. Va-t-on savoir…
Difficile à dire, puisque – parlant de connaissances – la science a peu exploré cette délicate question des menstruations, saignée mensuelle à laquelle toute femme doit verser son écot pendant 30 à 40 ans de sa vie active. Qu’il s’agisse de l’endométriose associée à la dysménorrhée au moment du déclenchement des menstruations ou du syndrome prémenstruel qui comprend un mélange de symptômes psychiques et physiologiques de huit à dix jours avant le début des menstruations, la littérature scientifique bute sur les causes de ces symptômes ainsi que sur la manière de les traiter : doit-on les considérer comme un phénomène naturel qu’il est préférable d’accepter sans y accorder trop d’importance, ou, au contraire, les voir comme un problème qu’il faudrait éliminer? On peut certainement se questionner sur le peu d’options offertes aux femmes qui éprouvent des douleurs ou des malaises lors de leurs menstruations. Il faut dire que l’intérêt de la science et de la médecine pour les problèmes liés à la condition féminine est plutôt récent.
Pendant longtemps, psychologues et médecins ont semblé s’entendre sur l’aspect pathologique de la condition féminine elle-même, jusqu’à laisser croire qu’il y aurait un mal féminin lié à la nature même de la femme. Au début du XXe siècle, un psychiatre statue que la femme se présente pendant la plupart de sa vie comme un être anormal. Tout en n’étant pas considérées comme une véritable maladie, on croit à cette époque que « les menstruations et la grossesse troublent profondément l’équilibre mental et portent atteinte à la capacité de discernement et au sens juridique [2] ». Hippocrate, le père de la médecine, avait réglé la question en affirmant que l’utérus était la cause de toutes les maladies des femmes, ce qui semble avoir fortement inspiré les premiers psychiatres et leur théorie sur l’hystérie. Dans la lignée de Freud, Icard note en 1890 que « la menstruation s’annonce pendant huit jours par des coliques, des picotements aux seins, des maux de tête. La fille devient méchante, irascible, furieuse à la moindre objection » [3].
Il n’est pas anodin de souligner ici que les auteurs cités précédemment mêlent allègrement troubles psychiques et physiologiques. Nous verrons dans la suite de cet article que ce point de vue sur les menstruations semble avoir perduré jusqu’à aujourd’hui. Concentrons-nous d’abord sur le fameux SPM qui fait régulièrement la manchette des revues féminines et qui concernerait davantage de femmes.
Dans un rapide survol des sites Web qui traitent des questions de santé, on découvre une information confuse et parfois contradictoire. Pour témoin, voici, en vrac, quelques taux de prévalence [4] du syndrome prémenstruel :
50 à 80 % (santéPratique.fr)
33,3 % (santeweb.ch)
50 % (santé.journaldesfemmes)
75 % (clinique du spm-hôpital d’Ottawa)
25 à 50 % occasionnels (créapharma)
3 à 9 % (e-santé.fr)
20 à 30 % (passeportsanté)
De sorte que Wikipédia écrit, sans rire, que le taux de prévalence est de 5,3 à 50,2 %. Suis-je la seule à m’étonner devant un taux de prévalence qui varie de 5 à 50 %? J’en conclus que la science éprouve quelques difficultés à cerner le sujet. De quoi parle-t-on exactement?
La liste des symptômes a de quoi inquiéter toute jeune fille qui s’aventurerait à s’informer sur ce qui plane au-dessus de sa tête juvénile mensuellement. Sur le site de la clinique du SPM de l’hôpital d’Ottawa, on mentionne : ballonnements abdominaux, diarrhée, constipation, changements dans l’appétit et envie excessive de certains aliments, seins sensibles, épisodes de pleurs ou crises de larmes, déprime, fatigue, maux de tête, douleurs articulaires ou musculaires, sautes d’humeur, irritabilité ou colère, tension ou anxiété, problèmes de sommeil, gain de poids en raison de rétention d’eau. Nous pouvons ajouter à cette liste d’autres symptômes cités sur différents sites : gonflement des chevilles, maux de dos, acné, nausée et vomissements
La liste des désagréments associés au SPM ne s’arrête pas aux troubles psychiques ou physiologiques, on y ajoute des conséquences sociales assez importantes. En effet, il serait « la cause d’échecs professionnels ou scolaires, de performances médiocres et d’absentéisme et est également associé à davantage de divorces » (santepratique.fr). Les résultats d’une recherche de 1960, encore cités dans des articles récents, indiquent que le SPM diminue le rendement des étudiantes à l’école, et est associé à une augmentation du nombre d’accidents au travail et de l’activité criminelle [5]. Oui, chères lectrices, « en cour, des accusées ont été acquittées de meurtres qu’elles auraient commis sous l’emprise de ce bouillonnement hormonal » [6]. Dans le Châtelaine de février 2009, on mentionne le procès d’une barmaid qui a poignardé une collègue qui lui tapait sur les nerfs au Royaume-Uni en 1981.
Aussi, le diagnostic de SPM serait « peu fiable » (Steiner, 1980; Haskett et al., 1983; Rubinow et al., 1984); la femme « somatiserait » la venue de ses menstruations. Quelques hypothèses psychosomatiques valent la peine d’être relevées.
Marie Langer (1951), affirme qu’une fille normale vit ses menstruations comme une réconciliation avec la mère, un cadeau qui lui permet d’avoir des enfants et ne ressent donc aucun trouble lié à elles. Par contre, la femme névrotique percevrait les règles de façon angoissante et culpabilisante, « l’hémorragie deviendrait la preuve que ses futurs enfants ont été endommagés » [7].
En 1960, Th. Benedek formule l’hypothèse que « le déficit relatif d’hormones ovariennes, caractéristique de cette période du cycle, est à la base d’une augmentation de l’irritabilité du système nerveux central favorisant l’apparition de « névroses récurrentes » prémenstruelles chez des femmes prédisposées » [8]. Est-ce à dire que les troubles d’humeur seraient une caractéristique naturelle de la condition féminine? Est-il plus rassurant de percevoir ces sautes d’humeur comme une fatalité de la condition de la femme ou comme un trouble psychologique que l’on pourrait traiter?
Les psychologues évolutionnistes ne manquent pas d’imagination pour expliquer les perturbations féminines. Il s’agirait là d’une ruse de l’évolution : par sa mauvaise humeur, la femelle ferait fuir le mâle qui n’aurait pas su l’engrosser [9]. Monsieur Gillings affirme d’un même souffle que le syndrome prémenstruel affecte plus de 80 % des femmes et représente d’importants coûts sociaux et économiques. Selon le célèbre médecin et romancier Martin Winkler, spécialisé en gynécologie, « le SPM ressemble terriblement à un syndrome de sevrage, de « manque », lié à la baisse brutale des hormones sexuelles dans le sang si la femme n’est pas enceinte » [10].
Plus récemment, des chercheuses combattent cette vision pathologique de la femme. Jane Ussher y voit l’expression d’un ras-le-bol : fatiguées d’être de bonnes épouses et de bonnes mères, les femmes se servent du SPM pour se payer une crise de nerfs [11]. Les Instituts de recherche en santé du Canada vont dans le même sens : « des facteurs comme la santé physique, le stress ressenti et le soutien social exerceraient une bien plus grande influence sur l’humeur que n’importe quelle phase du cycle menstruel » [12] et ajoutent que « le lien entre le cycle menstruel et les humeurs négatives que tiennent pour acquis de nombreuses femmes n’est pas reconnu universellement » et qu’il n’y aurait pas de lien direct entre ces deux éléments.
Peut-être.
Mais les médecins persistent et signent : sautes d’humeur ou pas, il existe des troubles physiologiques réels. Allez dire à toutes ces femmes qui souffrent de migraines, de douleurs musculaires ou de maux de dos qu’elles « somatisent » leur désir d’enfanter.
Peut-on faire quelque chose? Les conseils de prévention se résument à la même bouillie inodore que l’on sert aux dépressifs, aux obèses ou aux angoissés : faire de l’activité physique, avoir de saines habitudes de vie, éviter le tabac et l’alcool, bien dormir, avoir un poids santé, bien manger, diminuer le stress, prendre soin de soi, se donner du temps et de la considération et, ajoute le Reader’s Digest, ne pas consommer de viandes. Les thérapies médicales offrent trois options : prendre des contraceptifs oraux, tomber enceinte ou prendre des antidépresseurs.
Sur les sites d’informations santé, une nouvelle tendance semble se dessiner, une solution radicale à ce mal-être féminin : éliminer les menstruations en prenant la pilule contraceptive en continu. Sur passeport.santé, on apprend que « des médecins n’hésitent pas à dire que le nombre très élevé de périodes de menstruations que connaissent les Occidentales aujourd’hui serait désavantageux pour leur santé. Car si les femmes qui mettent plusieurs enfants au monde et les allaitent longuement peuvent ne connaître qu’une centaine de menstruations durant leur vie, ce nombre passe facilement à 450 ou plus pour celles qui n’ont qu’un enfant. Ce processus mensuel serait inutile et malsain parce qu’il provoquerait d’innombrables problèmes physiques et psychologiques [13] ». Sur le site de CanalVie, on précise « qu’il n’existe pas d’études à long terme qui pourraient prouver que l’arrêt des menstruations cause des problèmes de santé. La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada affirme dans une étude officielle que « rien ne porte à croire que les règles permettent l’élimination de quelque forme de toxine que ce soit, comme l’affirment certains des opposants de la suppression menstruelle ». Certaines études ont par ailleurs mis en lumière que la prise de pilules contraceptives en continu annule en tout ou en partie certains inconvénients, comme le SPM, les migraines et les crampes très douloureuses. Elle serait aussi efficace pour réduire les risques de certains cancers (ovaire, endomètre) [14] ».
Il est à noter ici que les arguments en faveur de l’élimination des menstruations englobent non seulement la disparition des désagréments liés au SPM, mais aussi tous les problèmes de santé liés à l’endométriose en incluant la dysménorrhée. On va même jusqu’à prétendre que cela diminuerait les risques de certains cancers. C’est de l’artillerie lourde, ça! Sur le site de Top santé.com, un médecin [15] dément ces avantages : « Médicalement, supprimer les règles ne comporte aucun bénéfice » et ajoute une mise en garde : « Il ne faudrait pas que cette nouvelle liberté oblige les femmes à zapper leurs règles pour répondre à une demande de « plus de productivité au bureau » ou de « plus de sexe à la maison »… Sans compter que pour certaines femmes, les règles font partie de la féminité. Elles peuvent même contribuer à la conscience de son corps et donc à la confiance en ses facultés à devenir mère. [16] »
Cet avertissement me pousse à me questionner sur les véritables motivations des tenants de l’abolition des menstruations. On peut présumer que la société capitaliste se passerait bien de cet empêcheur de produire en rond que sont les menstruations des femmes. Précisons seulement ici que la recherche médicale est encore majoritairement réalisée par des hommes et qu’il manque peut-être de points de vue féminins sur cette question. Les menstruations existent depuis qu’il y a des femmes et elles constituent, sans doute, une part de l’identité féminine. Certainement, le fait d’être menstruée (qu’il s’agisse ici de SPM ou de dysménorrhée) représente un problème pour la société : absentéisme, diminution de la performance au travail, échecs scolaires, problèmes de couple, etc. Comme le disent savamment les chercheurs de la fondation Genevoise, « la menstruation est une sorte de situation « parapsychologique » où les facteurs biologiques jouent, à côté des facteurs émotionnels, culturels et sociaux, un rôle divers selon les conditions de réactivité émotionnelle de la femme [17] ».
Vivre un épisode de menstruation douloureuse ou se sentir capable d’égorger son conjoint lors d’une crise de SPM demeure une expérience qui, comme toutes les expériences, comporte du positif et du négatif. « Personne ne parle jamais des côtés positifs du SPM », écrit Joan C. Chrisler qui souligne que certaines femmes y puisent une plus grande sensibilité et créativité [18]. Aujourd’hui, chaque femme peut opter pour ce qu’elle juge préférable pour elle-même. Il faudrait peut-être maintenant travailler à ce que la société accepte le choix de chacune même si cela signifie parfois de l’absentéisme ou une diminution momentanée de leur performance. Peut-être aussi – et j’invite les chercheurs à se pencher sur la question – que la productivité des femmes se trouve accrue à la suite d’un épisode de SPM… Sait-on jamais.
Je me demande parfois si « être une femme » ne serait pas une situation parapsychologique où les facteurs biologiques jouent, à côté des facteurs émotionnels, culturels et sociaux, un rôle différent selon les conditions de réactivité émotionnelle de la personne. Je suis ménopausée aujourd’hui et je dois admettre que la disparition de mon cycle menstruel fut une véritable libération. Si cette option d’éliminer les menstruations m’avait été proposée, je l’aurais sans doute acceptée avec reconnaissance étant donné les graves problèmes de santé que m’a occasionnés l’endométriose. Par contre, il m’arrive d’éprouver une certaine nostalgie de ces moments de parfaite intimité, lorsque, épuisée par des heures de souffrance, je restais alanguie, calme et paisible, mon attention toute tournée vers moi, sans autre préoccupation que d’être là, hors du temps, hors du monde et de ses exigences, seule avec moi-même, dans la moiteur de ce sang chaud qui débordait de ma culotte. Je revenais au monde avec ce regard étonné et neuf, comme après une longue maladie dont on ne sait pas si on en reviendra, avec l’énergie et la volonté de vivre intensément jusqu’au prochain combat.
NOTE : Pour celles qui voudraient davantage d’informations sur la manière dont les menstruations sont vues à travers le monde, Courrier International vient de publier un numéro spécial sur la question : https://www.courrierinternational.com/article/editorial-regles-indiscretes.
[1] Note : Lorsque ma mère était adolescente, la pilule anticonceptionnelle n’existait pas encore. Mais on savait, à cette époque, qu’après une première grossesse, les douleurs menstruelles diminuaient considérablement. Quelques années plus tard, un gynécologue me confirmait qu’enfanter mettait fin à l’endométriose.
[2] Moebius, J.P., L’inferiorità mentale della donna (1900), Torino, Einaudi, 1978.
[3] Icard, S., La femme pendant la période menstruelle, Alcan F, Paris, 1890.
[4] La prévalence est une mesure de l’état de santé d’une population, dénombrant le nombre de cas de maladies à un instant donné ou sur une période donnée. On calcule le taux de prévalence en rapportant à la population considérée, le nombre de cas (ici de SPM) présents dans cette population.
[5] Dalton, K., « Menstruation and accidents », Br. Med. J., nov. 1960, 12 : 1425-1426 ; Dalton, K., « Schoolgirls’ behaviour and menstruation », Br. Med. J., 1960, dec 3 : 1647-1649 ; Dalton, K., « Menstruation and crime », Br. Med. J., dec. 1961, 30 : 1752-1753.
[6] Éthier, Chantal, « SPM extrême », Châtelaine, 18 février 2009.
[7] Langer, M., Maternità e sesso (1951), trad. it. Loescher, Torino, 1981.
[8] Benedek, T, « The organisation of the reproductive drive », Int. J. Psychoan., XLI, 1, 1960 : 1-15.
[9] Gillings, MR, « Were there evolutionary advantages to premenstrual syndrome ? », Evol Appl., sept, 7(8) : 897-904.
[10] https://www.rtl.fr/culture/lifestyle/regles-tout-comprendre-sur-le-syndrome-premenstruel-7779800543
[11] Ussher, J. and Perz, J. (2014), « « I used to think I was going a little crazy » : women’s resistance to the pathologization of premenstrual change », Women Voicing Resistance: Discursive and Narrative Explorations, Routledge 9781848721036.
[12] Instituts de recherche en santé du Canada, « Science ou science-fiction : le SPM existe-t-il? », numéro 3, décembre 2014, https://www.cihr-irsc.gc.ca/f/48939.html.
[13] Dumoulin, Lucie (2004), Et si on supprimait les menstruations?, https://www.passeportsante.net/fr/Maux/Problemes/ArticleInteret.aspxdoc=menstruations_perspectives_dumoulin_l_2004_pm.
[14] Moreschi, Cécile (2016), Plus jamais de menstruations!, https://www.canalvie.com/sante-beaute/sante/prevention-et-maladies/plus-jamais-de-menstruations-1.1074234
[15] Dr Hélène Jacquemin Le Vern, gynécologue, sexologue et auteur du livre Le sang des femmes.
[16] https://www.topsante.com/medecine/gyneco/regles-douloureuses/prevenir/gyneco-et-si-on-supprimait-les-regles-9816.
[17] A. Lastrico, A. Andreoli, A. Campana (2016), Syndrome prémenstruel : une mise au point, Fondation Genevoise pour la formation et la recherche médicales, Aldo Campana, https://www.gfmer.ch/Presentations_Fr/Syndrome_premenstruel.htm.
[18] Joan C. Chrisler, psychologue et chercheuse à l’Université du Connecticut, dans Châtelaine, ibid.