Sonnet pour parturientes
MADODO
Photo: Satya Jack, www.jackraw.com
L’accouchement constitue selon moi le geste le plus intime et impudique qui soit, même si, en général, il n’est ni privé, ni solitaire. Il représente aussi le summum du dégoût magnifique. Je me suis inspirée de Baudelaire pour écrire ce poème fait de contrastes et d’oppositions, mais je n’ai pas la prétention de m’approcher un tant soit peu de ce poète de génie qui a su, comme nul autre, faire exploser la beauté des choses répugnantes; j’espère seulement provoquer une toute petite émotion chez l’amie lectrice et l’ami lecteur.
Madodo
Jonchent le sol verni de longs lambeaux d’entrailles
Bruns, chair, jaunes et rouges, les fruits de ces entailles,
Des ventouses du poulpe ou des serres d’acier.
Le ventre de la mère, cloaque hospitalier.
Embaume la pièce un doux parfum de charogne
Signe olfactif du passage de la cigogne
Les jambes en l’air, comme une femme lubrique
L’heure n’est plus aux idées folles et chimériques.
Le son du silence, les hauts, les hurlements
Chantent la douleur sourde de l’enfantement.
Mais que cesse enfin l’attente du cri primal !
Caresses gluantes, baisers sales et mouillés
Sur une peau flasque nage une peau fripée.
Vers le sein va téter le petit animal.