Roseline Lambert
Barrage
Dans ma tête un poulailler contient des choses minuscules recroquevillées dans des papiers chiffonnés où sont tracées des ébauches à n’en plus finir
j’ai peur des formes qui s’allongent et s’étirent dans des liquides chauds qui me brassent me bougent me donnent mal au cœur et me font pleurer pour rien parce qu’elles existent ou pas
quand j’avais quatorze ans je rêvais de devenir une mère singe aussi grandiose que Jane Goodall et d’accoucher dans la brousse où j’aurais pu hurler toutes mes grosseurs
maintenant je suis un vase je te tourne argile de chair de ma chair je te façonne avec une anse pour te verser à boire directement dans la gorge
je me savonne fort pour laver mon envie de terre de taches de vertébrés je me tortille pour tout casser battre le blanc laisser couler le jaune
ce corps mon corps ces corps les fondre dans un fleuve mousseux les refroidir les entreposer et courir me battre avec mon sang aux joues contre l’hiver et les autres
ce rêve où dans mon sein je te décortique comme une écorce sans jus où je suce tes relents de muscles et de verdure
ils bourdonnent ces contremaîtres qui construisent des planchers et des murs à même ma peau mais je suis autre part prenant tes empreintes à pleines poignes dans mes intérieurs
mes sursauts quand je dors à cause des bruits de la jungle mais nous nous serons avalés par notre boucle qu’on apprendra à nouer sous mes hanches
ça parle fort dans la basse-cour et je ne sais plus compter mes portées qui rompent mon cœur et fendent mon ventre pour que tu pointes le pied
tu n’as plus rien à craindre je suis chargée de cris dans ma poitrine contre les injonctions à être cette coquille cette fabrique toute peau déformée sur un autre corps
dans notre nid aucune horloge et je te promets que nous ne connecterons jamais nos cœurs sur les battements des machines
nous pourrons choisir notre branche où nous serons toujours à la hauteur de la réalité observable nous ne dirons plus rien dans le silence tonitruant de nos natures
je construirai notre barrage brindille par pierre où tu pousseras cellule par cellule dans ce déploiement de glaise embryonnaire où on n’entendra plus rien que nos gestes moites
et pour terminer mon travail je déplierai tous mes petits papiers que j’enterrerai dans nos ruisseaux qui déraillent et je t’abrillerai au chaud pour que tu puisses te perdre dans le monde
Nullipare : femme n’ayant jamais accouché ou n’ayant jamais eu de grossesse. Du latin, formé de nullus, nul et de pare, mettre au monde, engendrer, pondre. [i]
« Nulliparous women have an increased risk for some health conditions [ii]. »
« Adolescent obesity is associated with lifetime nulliparity and nulligravidity in midlife U.S. women [iii]. »
« Une femme n’ayant jamais eu de grossesse est dite nulligeste [iv]. »
« Compared with parous women, nulliparous women had an increased risk of hip and spine, but not wrist, fractures [v]. »
« Si vous avez mal durant vos règles, c’est parce que votre corps réclame une grossesse [vi]. »
« Breastfeeding, which nulliparous women don’t have the chance to experience, also reduces your risk of breast cancer [vii]. »
« There was a significant lack of knowledge about pelvic floor function among nulliparous women[viii]. »
« Le risque de cancer de l’ovaire est également plus élevé chez les femmes qui n’ont jamais donné naissance à un enfant (nullipare) [ix]. »
« 4,718 nulliparous with singleton pregnancy and intended spontaneous vaginal delivery were included in the study at gestational week 33 [x]. »
« The more children a woman has, the greater the protection against breast cancer. Not becoming pregnant at all (called nulliparity) increases the risk of breast cancer [xi]. »
« Older nulliparous women have higher risk for stillbirth [xii]. »
« Multiparous patients had shorter labor courses and fewer labor interventions than nulliparous patients [xiii]. »
« Nulliparity does not equal cancer [xiv]. »
« The stages of labor have different norms for mothers and nulliparous women [xv]. »
[i] https://www.cnrtl.fr/etymologie/nullipare
[ii] Stewart, L. M., Holman, C. J., Aboagye-Sarfo, P., Finn, J. C., Preen, D. B., & Hart, R. (2013). In vitro fertilization, endometriosis, nulliparity and ovarian cancer risk. Gynecologic Oncology, 128260-264. doi:10.1016/j.ygyno.2012.10.023
[iii] Polotsky, A. J., Hailpern, S. M., Skurnick, J. H., Lo, J. C., Sternfeld, B., & Santoro, N. (2010). Reproductive endocrinology: Association of adolescent obesity and lifetime nulliparity—The Study of Women’s Health Across the Nation (SWAN). Fertility And Sterility, 932004-2011.
[iv] https://www.culture-generale.fr/litterature/12650-le-mot-du-mercredi-nullipare
[v] Hillier, T., Rizzo, J., Pedula, K., Stone, K., Cauley, J., Bauer, D., & Cummings, S. (n.d). Nulliparity and fracture risk in older women: The study of osteoporotic fractures. Journal Of Bone And Mineral Research, 18(5), 893-899.
[vi] https://www.slate.fr/story/117329/violence-verbale-inouie-femmes-qui-ne-veulent-pas-denfant
[vii] https://www.verywell.com/nulliparous-women-3522717
[viii] Neels, H., Wyndaele, J., Tjalma, W. A., De Watcher, S., Wyndaele, M., & Vermandel, A. (2016). Knowledge of the pelvic floor in nulliparous women. Journal Of Physical Therapy Science, 28(5), 1524-1533.
[ix] Société canadienne du cancer : https://www.cancer.ca/fr-ca/cancer-information/cancer-type/ovarian/risks/?region=qc
[x] Hanne Kristine Hegaard; Peter Damm; Morten Hedegaard; Tine Brink Henriksen; Bent Ottesen; Anna-Karin Dykes; Hanne Kjaergaard (2011). Sports and Leisure Time Physical Activity During Pregnancy in Nulliparous Women. Matern Child Health J. 2011;15(6):806-813.
[xi] Canadian Cancer Society : https://www.cancer.ca/en/cancer-information/cancer-type/breast/risks/?region=on
[xii] Arielle Emmett (2015). Older Nulliparous Women Have Higher Risk for Stillbirth. Obstet Gynecol. 2015;126:355-362.
[xiii] Clapp MA, Bsat J, Little SE, Zera CA, Smith NA, Robinson JN. Relationship between parity and brachial plexus injuries. J Perinatol. 2016 May;36(5):357-61.
[xiv] Siva, N. (2007). Nulliparity does not equal cancer. The Lancet Oncology, 8(8), 675.
Roseline Lambert est anthropologue. Son premier recueil, intitulé Clinique, est paru aux Éditions Poètes de brousse en 2016. Ses poèmes ont été publiés dans les revues Estuaire, Art le Sabord, Exit, la Revue de la Compagnie à Numéro, l’Agenda des femmes 2014 et sur Poème sale.