Quelques femmes scientifiques à découvrir
Julie Veillet
Françoise Briquel-Chatonnet
Voir le texte On est toutes des Françoise… Briquel-Chatonnet
Marie Curie
Maria Sklodowska, connue sous le nom de Marie Curie, est née en Pologne en 1867 d’un père professeur de sciences et d’une mère institutrice. Malgré les embûches liées au fait que peu de femmes tentent d’accéder à des études scientifiques à l’époque, elle quitte la Pologne en 1891 pour poursuivre des études en mathématiques à la Sorbonne à Paris. Elle fait rapidement sa marque et ses qualités de chercheuse sont saluées. Son travail la mène à collaborer avec Pierre Curie, alors professeur à l’École de physique, avec qui elle se marie en 1895. Les recherches de Marie Curie l’amènent ensuite à travailler sur un nouveau phénomène, dévoilé par Henri Becquerel, qu’elle baptise la radioactivité. Son mari Pierre décide de la rejoindre dans son travail et les deux scientifiques poursuivent ensemble leurs recherches sur les radiations. Leur travail leur vaut le prix Nobel de physique de 1903, conjointement avec Becquerel.
Après la mort de son mari en 1906, Marie Curie prend sa place à titre de professeure de physique générale à la Sorbonne, ce qui fait d’elle la première femme à occuper un tel poste. En 1911, elle est la seule femme à participer au réputé congrès Solvay et, la même année, elle remporte son deuxième prix Nobel, cette fois en chimie, pour la découverte de deux nouveaux éléments, le radium et le polonium, et l’étude de leur nature et de leurs composés. Cette deuxième distinction fait d’elle la première scientifique, hommes et femmes confondus, à recevoir deux prix Nobel. Curie poursuit son travail sur les éléments radioactifs en développant et promouvant la technique de la radiothérapie. Sa fille Irène, qui a seulement 18 ans à l’époque, se joint à elle dans cette entreprise. Les avancées scientifiques de Marie Curie dans le domaine sont si importantes qu’on donne le nom Institut Curie à ce qui était auparavant appelé l’Institut du radium et qui se consacre à la recherche sur le traitement du cancer par radiothérapie. Après des années d’exposition à des éléments radioactifs, Marie Curie développe une leucémie et meurt en 1934. Sa fille Irène poursuit quant à elle sa carrière scientifique et remporte à son tour un prix Nobel de chimie en 1935, conjointement avec son mari Frédéric Joliot, pour leur découverte de la radioactivité artificielle.
Hypatie d’Alexandrie
Mathématicienne et philosophe de la Grèce antique, Hypathie d’Alexandrie serait née autour de 360 après Jésus-Christ. Fille de Théon d’Alexandrie, lui-même mathématicien, elle apprend de son père les rudiments des sciences. Son intérêt pour les mathématiques et la philosophie la pousse à poursuivre sa formation à Athènes, après quoi elle revient dans sa ville natale, où elle enseigne les préceptes de Platon et Aristote à des disciples au sein de l’École néoplatonicienne d’Alexandrie. Sa réputation est telle que Socrate parle d’elle dans ces termes, dans son ouvrage Histoire de l’Église. Livre septième : « Il y avait dans Alexandrie une femme nommée Hypatie, fille du Philosophe Théon, qui avait fait un si grand progrès dans les sciences qu’elle surpassait tous les Philosophes de son temps, et enseignait dans l’école de Platon et de Plotin, un nombre presque infini de personnes, qui accouraient en foule pour l’écouter. La réputation que sa capacité lui avait acquise, lui donnait la liberté de paraître souvent devant les Juges, ce qu’elle faisait toujours, sans perdre la pudeur, ni la modestie, qui lui attiraient le respect de tout le monde. »
Il existe peu de sources traitant d’Hypatie d’Alexandrie et celles-ci ne s’entendent pas sur les différents éléments de sa vie et les avancées qu’elles pourraient avoir faites. Actuellement, bien qu’on lui reconnaisse quelques commentaires sur des ouvrages de grands mathématiciens, on ne lui attribue aucune découverte à proprement parler. Le grave incendie ayant anéanti la bibliothèque d’Alexandrie serait responsable du peu de traces retrouvées sur ses accomplissements.
Anne-Marie Desbiens
Voir le texte L’amour de la science et de la bouffe
Mileva Einstein Maric
Née en 1875, Mileva Maric est une mathématicienne et physicienne serbe. Venant d’une famille assez aisée, elle a la chance de fréquenter de bonnes écoles, ce qui lui permet d’avoir accès à des laboratoires de chimie et de physique. Elle y développe sa fibre scientifique et parvient à suivre des cours de physique, qui étaient à l’époque réservés aux garçons. Elle entreprend en 1896 des études plus poussées en mathématiques et physique à l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH), une institution d’élite encore à ce jour dominée par les hommes (à preuve, la première femme professeure y a été embauchée en 1985). C’est à ce moment que Maric fait la rencontre d’Albert Einstein, qui deviendra éventuellement son mari et avec qui elle mènera plusieurs recherches importantes. Ils réalisent tous les deux des thèses de doctorat avec le même professeur sur des sujets semblables, et alors que Maric est totalement investie dans son travail, Einstein, selon des aveux faits plus tard, est plutôt désintéressé de ses études.
En 1898, elle collabore avec son mari et deux autres scientifiques, Marcel Grossmann et Michele Besso, à des recherches qui jettent les bases de la théorie de la relativité. Après avoir fait face à un grand nombre d’injustices et de discriminations liées à son statut de femme tout au long de son parcours scolaire, particulièrement à l’école de Zurich réputée pour offrir un traitement différent aux femmes, Maric échoue deux fois à son examen de doctorat et ne parvient jamais à obtenir son diplôme, même après avoir terminé sa thèse avec succès. Albert Einstein remporte quant à lui le prix Nobel de physique en 1921 pour ses travaux sur la théorie de la relativité. Un débat est lancé dans les années 1980 quant à l’implication de Mileva Maric dans les avancées scientifiques de son mari, mais la mauvaise conservation des documents de Maric à travers le temps ne permet pas d’établir clairement la vérité.
Gertrude Elion
Gertrude Belle Elion est une pharmacologue et biochimiste américaine née à New York en 1918. La mort de son grand-père, atteint d’un cancer, alors qu’elle était adolescente la pousse à s’intéresser à la science. Étudiante enthousiaste qui raffole de l’école, elle entre au Collège Hunter en 1933 et y étudie la chimie. Les emplois dans le domaine scientifique sont rares et les quelques postes disponibles sont très souvent réservés aux hommes. Après plusieurs essais infructueux, Elion réussit à obtenir un emploi d’assistante de laboratoire pour lequel elle ne reçoit aucune rémunération pendant un an et demi, pour finalement obtenir un salaire de 20 $ par semaine. Ayant réussi à amasser un peu d’économies avec ce maigre salaire, elle entre à l’Université de New York en 1939, où elle est la seule femme de sa classe de chimie. Durant ses études, elle travaille comme professeure dans un lycée le jour et fait ses recherches le soir et la fin de semaine. Elle parvient à obtenir son diplôme de maîtrise en chimie en 1941.
Se trouvant de nouveau à la recherche de travail, elle décroche un poste d’assistante auprès du scientifique George Hitchings. Ce travail lui permet d’explorer différentes sphères de la science, comme la biochimie, la pharmacologie, l’immunologie et la virologie. Parallèlement, elle entreprend des études doctorales de soir à l’Institut polytechnique de Brooklyn, mais ne sera pas en mesure de les terminer, devant éventuellement choisir entre son travail et son doctorat. Elion prend la décision de poursuivre ses recherches avec Hitchings, avec qui elle travaille au développement de nouveaux médicaments servant à soigner différentes maladies. Parmi ses accomplissements, on lui attribue notamment le développement d’un premier traitement pour la leucémie et de médicaments servant à traiter la malaria, la goutte, la méningite, l’herpès et autres infections. En 1988, elle reçoit conjointement avec George Hitchings et un autre collègue, James Black, le prix Nobel de physiologie ou médecine pour souligner leurs découvertes concernant d’importants principes de traitements par médicaments.
Rosalind Franklin
Voir le texte La femme de l’ADN
Jane Goodall
Née à Londres en 1934, Jane Goodall aime les animaux depuis son enfance. Petite, elle rêve de vivre avec les animaux en Afrique et de pouvoir étudier leurs comportements. Loin de la décourager, sa mère lui enseigne à travailler fort et à ne pas abandonner pour réaliser ses rêves. Après avoir terminé ses études secondaires, elle n’est pas en mesure de se payer des études universitaires. Elle apprend donc le métier de secrétaire et travaille pendant un certain temps à l’Université d’Oxford. Elle déniche ensuite un emploi à Londres dans une firme de production de films, où elle est responsable de trouver la musique pour les documentaires. C’est une invitation de son amie Clo Mange à visiter la ferme de sa famille au Kenya qui change le cours de sa vie.
En 1957, à l’âge de 23 ans, elle se rend au Kenya par bateau. Sa visite en Afrique est le théâtre de sa rencontre avec le célèbre anthropologue et paléontologue Louis S. B. Leakey. Goodall n’a dès lors qu’une idée en tête : démontrer à Leakey qu’elle a les connaissances et la passion qu’il faut pour devenir son assistante. Elle participe avec lui et sa femme, l’archéologue Mary Leakey, à des expéditions en Tanzanie. Elle a finalement gain de cause; Leakey l’embauche comme assistante. Les deux scientifiques entreprennent une étude sur les chimpanzés sauvages dans la région du lac Tanganyika. En 1960, Goodall et sa mère Vanne, qui la rejoint pour l’accompagner dans ses nouveaux projets, s’installent dans le parc Gombe Stream afin d’y étudier le comportement des chimpanzés. La vie dans la jungle n’est pas facile. Les animaux ont peur de Goodall et ne se laissent pas facilement approcher. Armée de patience et de détermination, la jeune scientifique réussit progressivement à se faire accepter par les chimpanzés. Après quelques mois d’observations, elle découvre que les primates mangent de la viande, et ne sont donc pas végétariens, comme on le croyait à l’époque. Un mois plus tard, elle est en mesure d’affirmer que les chimpanzés utilisent des outils pour attraper leur nourriture, ce qui représente une découverte cruciale dans l’étude des comportements de ces animaux. Cette avancée scientifique la mène à déclarer : « Now we must redefine tool, redefine Man, or accept chimpanzees as humans. »
En 1962, les travaux de Goodall lui valent d’être reçue comme candidate au doctorat à l’Université de Cambridge, même si elle ne possède aucun diplôme universitaire. Ce privilège lui attire des critiques, tout comme ses méthodes de recherche, qui lui font donner des noms aux chimpanzés qu’elle étudie plutôt que des numéros. Elle avance alors l’idée que les primates ont des émotions et des personnalités, tout comme les humains. La célèbre revue National Geographic s’intéresse aux travaux de Goodall et décide de les soutenir. Un premier article de la primatologue paraît dans la revue en 1963 et s’intitule « My Life Among Wild Chimpanzees ». Deux ans plus tard, elle termine avec succès ses études doctorales en éthologie, la science qui étudie les comportements des animaux dans leur milieu naturel. La même année, un centre de recherche est construit à Gombe Stream, puis en 1977, Goodall fonde le Jane Goodall Institute for Wildlife Research, Education and Conservation en Californie, dont la mission est de préserver les primates et leurs habitats. L’institut compte maintenant des bureaux dans 23 pays dans le monde. Goodall poursuit depuis sa lutte pour la préservation des chimpanzés sauvages à travers divers programmes qui ont pour but d’éduquer les jeunes à prendre soin des animaux, de travailler au développement durable des populations et d’améliorer les conditions de vie des chimpanzés en captivité.
Margaret Hamilton
Voir le texte «Because they were trained never to make mistakes» : Margaret Hamilton et le développement du software à la NASA
Caroline Herschel
Être la première femme à découvrir une comète et la première femme à être reconnue officiellement en tant que scientifique; c’est l’exploit réalisé par l’astronome allemande Caroline Herschel, née en 1750. Venant d’une famille de musiciens, Herschel baigne dès son plus jeune âge dans cet univers. Alors que son frère William est installé en Angleterre pour poursuivre une carrière musicale, Caroline décide de le rejoindre et d’apprendre le chant. Soprano très talentueuse, elle devient rapidement une chanteuse bien en vue et participe à une foule de concerts. En plus de la musique, William a une grande passion pour l’astronomie. Progressivement, il s’y adonne de plus en plus sérieusement et demande à Caroline de l’aider, notamment pour le « maniement des divers dispositifs astronomiques ». Ainsi, Caroline s’initie à son tour à la science et finit par devenir son assistante de recherche. Parmi les diverses tâches qu’elle réalise pour lui, elle passe notamment un temps fou à polir des miroirs et à monter des télescopes, en plus de préparer les observations astronomiques de son frère. En 1781, William fait sa marque dans le domaine scientifique en découvrant la planète Uranus, ce qui lui vaut d’être invité par le roi George III à devenir son astronome privé. Caroline continue de travailler conjointement avec son frère et ensemble, ils enregistreront près de 2500 nouveaux amas d’étoiles et nébuleuses.
Progressivement, Caroline prend de l’assurance en tant que scientifique et commence des observations en solo. Durant les années qui suivent, elle observe un grand nombre d’objets célestes et découvre par elle-même 14 nouvelles nébuleuses, dont NGC 205, second compagnon de la galaxie d’Andromède. C’est en 1786 qu’elle découvre sa première comète, faisant d’elle la première femme à en découvrir une. Même si elle aidait déjà son frère dans ses recherches depuis des années, ce n’est qu’à ce moment qu’on commence à la reconnaître en tant que scientifique à proprement parler. Le roi George III décide en 1787 de l’embaucher officiellement, comme assistante toujours cela dit, et de lui offrir un salaire pour son travail, faisant d’elle la première femme à recevoir une rémunération pour des services scientifiques. Dans la décennie qui suit, elle découvre sept autres comètes et ajoute plus de 550 étoiles au registre d’étoiles créé précédemment par John Flamsteed. La mort de son frère en 1822 la pousse à retourner s’installer en Allemagne, où elle continue de faire sa marque dans le domaine de l’astronomie. Pour souligner sa contribution à la science, Caroline Herschel reçoit en 1828 la médaille d’or de la Royal Astronomical Society, en plus d’y être élue membre honoraire en 1835.
Shirley Ann Jackson
L’Américaine Shirley Ann Jackson est une physicienne spécialisée en physique des matières condensées et des matériaux opto-électroniques. Née à Washington en 1946, Jackson est encouragée très jeune par ses parents à s’intéresser à la science et à faire des études. Rapidement poussée par ses professeurs à se diriger vers les mathématiques, elle est une élève brillante qui réussit très bien. Ajoutant la physique à ses intérêts scientifiques, elle entreprend des études supérieures au Massachusetts Institute of Technology (MIT). En 1968, elle obtient un baccalauréat en physique après avoir travaillé sur les supraconducteurs. Ses bons résultats scolaires lui ouvrent les portes de plusieurs grandes universités américaines, comme Harvard, l’Université Brown et l’Université de Chicago, mais elle choisit de poursuivre ses études au MIT, malgré la discrimination dont elle est victime de la part de certains collègues et professeurs en raison de son origine afro-américaine. Elle se spécialise ensuite en physique théorique des particules et obtient en 1973 son doctorat, faisant d’elle la première femme afro-américaine à obtenir ce grade au MIT. Puis, elle poursuit des études postdoctorales sur les interactions fortes entre particules subatomiques.
Après avoir travaillé durant quelques années dans des centres et laboratoires de recherche et dans le domaine de l’enseignement, elle fait son entrée en 1976 aux laboratoires AT&T Bell, où elle mène des recherches en physique de la matière condensée, en physique théorique, en physique du solide, en physique quantique et en optique. Pendant cette période, la physicienne est très engagée dans son milieu, s’impliquant au sein de divers organismes et siégeant à plusieurs conseils d’administration. À partir de 1991, elle enseigne la physique théorique à l’Université Rutgers, tout en demeurant consultante pour AT&T. En 1999, Jackson devient la 18e présidente de la Rensselaer Polytechnic Institute, la plus ancienne université de recherche technologique aux États-Unis. Elle est ainsi la première Afro-Américaine à diriger une institution scientifique de recherche.
Mae Jemison
Mae Jemison est née en 1956 en Alabama, avant de s’installer avec sa famille à Chicago trois ans plus tard. Passionnée d’arts et de sciences, elle fréquente le Morgan Park High School, puis l’Université Stanford dès ses 16 ans. Diplômée de génie chimique et d’études africaines et afro-américaines en 1977, elle entre ensuite au Weill Medical College, où elle obtient un doctorat en médecine. Elle pratique la médecine à Los Angeles au USC Medical Center, puis dans différents pays du monde, comme Cuba, le Kenya, la Thaïlande, le Libéria et la Sierra Leone. En 1983, Jemison décide de suivre son rêve de petite fille et tente d’intégrer la NASA, mais voit son inscription refusée. Sa deuxième tentative est plus fructueuse; elle est embauchée par l’agence spatiale américaine en 1987 pour faire partie de la première cohorte d’astronautes depuis l’accident de la navette Challenger ayant causé la mort des sept membres de son équipage. Après un an d’entraînement, elle devient la première femme afro-américaine à devenir astronaute, puis à se rendre dans l’espace, lors de la mission Endeavour. Cette mission, qui a été la seule qu’elle ait faite, a duré 190 heures, 30 minutes et 23 secondes.
Jemison quitte la NASA en 1993 pour ensuite fonder sa propre compagnie, le Groupe Jemison, qui vise à encourager les étudiants à s’intéresser aux sciences et à faire la promotion des technologies dans la vie quotidienne. Elle a également mis sur pied la fondation Dorothy Jemison, en l’honneur de sa mère, qui offre notamment des camps scientifiques internationaux pour les étudiants. Fait amusant, elle est la première astronaute réelle à faire une apparition dans la série Star Trek.
Sofia Kovalevskaya
Parmi les plus grands mathématiciens de l’époque moderne figure Sofia Kovalevskaya, une mathématicienne russe née à Moscou en 1850. Jeune femme très déterminée, elle contracte un mariage blanc pour pouvoir quitter sa Russie natale et aller faire des études en Allemagne. À Berlin, elle étudie auprès de Karl Weierstrass, grand maître mathématicien allemand. Puisque l’Université de Berlin est réservée aux hommes, Kovalevskaya ne peut y avoir accès; c’est donc par des cours privés qu’elle reçoit les enseignements de Weierstrass.
Sa carrière de scientifique débute dans les années 1870, alors que son travail de recherche lui permet de remettre en question certains éléments d’un théorème sur les solutions analytiques d’un système d’équations aux dérivées partielles énoncé par Augustin Louis Cauchy, un mathématicien français. Le contre-exemple qu’elle propose redéfinit ce qu’on appelle aujourd’hui le théorème Cauchy-Kovalevskaya. En plus de ce théorème, elle défend deux articles, l’un sur les intégrales abéliennes et l’autre sur la forme des anneaux de Saturne, au cœur d’une thèse déposée à l’Université de Göttingen. Elle reçoit son doctorat en 1874, faisant d’elle la première femme à obtenir ce titre en Allemagne.
Kovalevskaya retourne en Allemagne, où elle éprouve de la difficulté à pratiquer son métier de mathématicienne. En 1884, elle est nommée professeure à l’Université de Stockholm, grâce au soutien de Gösta Mittag-Leffler, un grand mathématicien suédois. Le 24 décembre 1888, on lui remet « le prix Bordin de l’Académie des sciences de Paris, récompensant ses travaux sur le mouvement d’un solide autour d’un point fixe ».
Rita Levi-Montalcini
Née en 1909 à Turin, Rita Levi-Montalcini est une grande neurologue italienne. Issue d’une famille juive de quatre enfants, elle grandit dans un milieu familial épanouissant, guidée par des parents cultivés et valorisant le développement intellectuel. Malgré tout, son père a des objections à ce que ses filles poursuivent des études supérieures, croyant que le fait d’aller à l’université allait les éloigner de leur rôle d’épouse et de mère. Faisant fi des mises en garde de son père, Levi-Montalcini décide tout de même de s’inscrire à l’École de médecine de Turin, après avoir été grandement affectée par la mort de sa gouvernante, atteinte de leucémie. Elle y étudie avec le réputé histologiste italien Giuseppe Lev. La carrière de Levi-Montalcini est interrompue par le Manifeste de la race mis sur pied par Benito Mussolini, qui empêche les citoyens italiens non aryens de poursuivre des carrières académiques et professionnelles. Après un court séjour en Belgique, elle revient à Turin et décide de se construire un petit laboratoire de fortune dans sa chambre afin de pouvoir continuer ses recherches, s’inspirant de travaux de Viktor Hamburger.
En 1946, Levi-Montalcini est invitée par l’Université Washington à St. Louis pour travailler avec le même Hamburger. Alors qu’elle devait rester aux États-Unis seulement 10 ou 12 mois, les excellents résultats des recherches menées conjointement par les deux scientifiques la forcent à repousser son retour en Italie. En 1952, son travail sur des tissus cancéreux la mène à réussir « l’exploit d’isoler le facteur de croissance nerveux ». En 1956, elle se fait offrir un poste de professeure adjointe, puis deux ans plus tard, un poste de professeure au sein de l’Université Washington, fonction qu’elle a occupée jusqu’à sa retraite en 1977. De 1969 à 1978, elle dirige également l’Institut de biologie cellulaire du Conseil national italien de recherche à Rome. En 1986, elle reçoit le prix Nobel de physiologie ou médecine conjointement avec Stanley Cohen pour leur découverte des facteurs de croissance de cellules nerveuses. Levi-Montalcini sera aussi nommée ambassadrice de bonne volonté à l’Organisation des Nations Unies et sénatrice à vie au Sénat italien. Qualifiée d’infatigable par plusieurs, Rita Levi-Montalcini s’éteint en 2012 à l’âge vénérable de 103 ans.
Ada Lovelace
Ada Lovelace est née en 1815 à Londres, fille du poète britannique Lord Byron, mais élevée seulement par sa mère, l’intellectuelle Annabella Milbanke. Cette dernière lui enseigne elle-même les mathématiques, puis embauche des tuteurs pour qu’ils poursuivent son enseignement en mathématiques et en sciences. Il est peu commun pour une jeune femme à l’époque de recevoir une telle formation, de sorte que ses études sont scrutées à la loupe. Cela n’empêche pas Lovelace de persister. À l’âge de 17 ans, elle rencontre une chercheuse réputée du nom de Mary Sommerville, qui l’encourage à poursuivre dans le domaine des mathématiques. En 1837, Sommerville lui présente Charles Babbage, un éminent mathématicien et professeur à l’Université de Cambridge, qui travaille sur des machines à différences, les ancêtres des calculatrices, qui fascinent complètement la jeune scientifique. Lovelace et Babbage entretiennent une correspondance durant plusieurs années, ce qui permet à celle-ci d’approfondir ses connaissances en mathématiques. En plus de son travail sur les machines à différences, Babbage planche sur une audacieuse machine analytique, travail que Lovelace a la chance de pouvoir suivre de près. C’est ainsi qu’elle assiste à la création du premier ordinateur moderne.
Dans les années qui suivent, Lovelace se marie et vit trois grossesses qui sont particulièrement éprouvantes pour sa santé, ce qui l’empêche de se consacrer pleinement aux mathématiques pendant un certain temps. Elle reprend du collier en 1839 et travaille sous la tutelle d’Auguste De Morgan, professeur à l’Université de Londres, qui lui enseigne notamment la logique, l’algèbre et l’analyse. En 1842, un jeune mathématicien, Federico Luigi Menebrea, publie un texte en français sur la machine analytique de Babbage. Lovelace est approchée pour faire la traduction du texte pour la revue Scientific Memoirs. Le résultat impressionne grandement Babbage, qui suggère à la scientifique d’ajouter ses propres notes à l’article, afin de lui donner plus de profondeur. La traduction ainsi bonifiée est d’une telle qualité que Babbage considère « cette traduction étoffée sur la machine analytique comme étant le document original ». Parmi ses ajouts, Lovelace inscrit ce qui sera le premier algorithme, basé sur les nombres de Bernouilli, à pouvoir être réalisé par la machine. Bien que certains historiens remettent en question l’importance du rôle joué par Lovelace dans cette découverte, pour laquelle elle a travaillé en étroite collaboration avec Babbage, il semble que ce soit bel et bien elle qui ait écrit ce programme, dépassant la complexité de tous les programmes écrits par son mentor auparavant.
La machine de Babbage ne connaît malheureusement pas le destin souhaité. Ne recevant plus de subventions du gouvernement britannique, les deux scientifiques n’arrivent pas à obtenir le financement pour construire la machine, et ce, malgré les tentatives de Lovelace de gagner de l’argent en faisant des paris sur des courses de chevaux. Ada Lovelace meurt en 1852 des suites d’un cancer, laissant sa famille passablement endettée.
Julie Payette
Une des scientifiques les plus connues du Québec, Julie Payette est une astronaute montréalaise née en 1963. Après des études primaires et secondaires à Montréal, elle entreprend en 1982 un baccalauréat international au United World College of the Atlantic, au Royaume-Uni. Elle entre en 1986 à l’Université McGill où elle fait un baccalauréat en génie électrique, puis réalise une maîtrise en sciences appliquées, avec une spécialisation en génie informatique, à l’Université de Toronto. Elle travaille durant plusieurs années dans le domaine informatique, s’intéressant notamment au traitement du langage naturel et à la reconnaissance vocale automatique. Payette œuvre ensuite comme ingénieure chez IBM Canada, comme professionnelle de recherche à l’Université de Toronto, comme scientifique invitée au IBM Research Laboratory et comme ingénieure de recherche chez BNR/Nortel.
C’est en 1992 que Julie Payette amorce sa carrière d’astronaute, lorsqu’elle est sélectionnée par l’Agence spatiale canadienne (ASC) pour faire partie d’un groupe de quatre nouveaux astronautes. Elle suit sa formation de base au Canada, puis travaille comme conseillère technique pour le système d’entretien mobile, qui sera intégré à la Station spatiale internationale. De 1996 à 1998, elle poursuit sa formation au Centre spatial Johnson de Houston et contribue au travail de différents départements, dont celui de la robotique et celui de l’électronique. En 1999, elle participe à sa première mission spatiale, la STS-96, à bord de la navette Discovery, dans le cadre de laquelle l’équipage effectue le premier amarrage manuel de la navette à la Station spatiale internationale, en plus d’y installer quatre tonnes de matériel. À cette occasion, Julie Payette devient « la première Canadienne à participer à une mission de construction de la Station spatiale internationale et à monter à bord du laboratoire orbital ». Elle entreprend sa deuxième mission spatiale en 2009 à bord de la navette Endeavour, où elle agit comme ingénieure et commande les trois bras robotiques spatiaux utilisés pour faire des installations à la Station spatiale.
En 2011, Julie Payette devient déléguée scientifique du Québec à Washington, tout en demeurant membre du Corps des astronautes de l’ASC. Elle quitte l’ASC en 2013 pour devenir directrice du Centre des sciences de Montréal, qui accueille chaque année des centaines de milliers de visiteurs.
Chien-Shiung Wu
Surnommée par certains la « Première dame de la physique », Chien-Shiung Wu est une physicienne spécialisée en physique nucléaire. Née en 1912 à Shanghai, Wu a la chance d’avoir comme père un fervent défenseur de la parité des sexes qui a notamment fondé l’École supérieure professionnelle de femmes de Mingde. Ce dernier l’encourage donc à faire des études et à réaliser ses ambitions. En 1929, elle fait son entrée à l’Université centrale nationale de Chine, où elle obtient sa licence de physique. Souhaitant poursuivre ses études au doctorat, elle choisit de partir aux États-Unis et atterrit finalement à l’Université de Californie de Berkeley, où elle rencontre le physicien, futur prix Nobel, Ernest Lawrence, qui la convainc de travailler avec lui. Elle obtient son doctorat avec succès en 1940, puis épouse un autre physicien, Luke Yuan. Les deux scientifiques déménagent ensemble sur la côte est, où Wu devient la première femme à obtenir un poste de professeure assistante à l’Université de Princeton. Elle fait ensuite le saut à l’Université de Columbia, où elle travaille sur le projet de recherche ultrasecret Manhattan, réunissant des milliers de scientifiques ayant pour mandat de mettre au point la bombe atomique avant les nazis. En plus d’être une des seules femmes chercheuses de l’équipe, elle est la première et seule scientifique chinoise.
Après avoir donné naissance à son premier enfant, elle poursuit ses recherches au sein de l’Université de Columbia, où elle travaille notamment sur la désintégration bêta. En compagnie des chercheurs Chen Ning Yang et Tsung-Dao Lee, elle amorce au début des années 50 une collaboration qui vise à réfuter la « théorie de la conservation de la parité » sur les particules à l’œuvre dans des réactions nucléaires. Dans le cadre de cette recherche, Wu réussit à prouver expérimentalement que la parité est violée lors de la désintégration bêta, ce qui remet en question plusieurs fondements de la physique. Pour leur travail, Chen Ning Yang et Tsung-Dao Lee reçoivent le prix Nobel en 1957, laissant de côté Chien-Shiung Wu. Alors que certains affirment que le côté expérimental des recherches de Wu a contribué à les rendre moins importantes, plusieurs attribuent cette décision au sexisme du comité de sélection. Ne se laissant pas démonter par cette affaire, Wu poursuit son travail et publie le livre La désintégration bêta, qui demeure aujourd’hui une référence dans le domaine. En 1975, elle devient la première femme à devenir présidente de la Société américaine de physique.