Paméla Personne

 

Vincent

 

T’avais insisté.
J’avais dit non. Je disais souvent non. Je disais non parce que c’était constamment les mêmes gestes répétés depuis des années. Que ton corps, connu par cœur, ne me réservait plus rien. Que tes gestes, toujours les mêmes, s’empoussiéraient. Que tu ne faisais plus le moindre effort. Tu m’as mis la pression. J’ai dit. OK, vas-y don’. Pour que ce soit fait. Pour que ça en finisse. Pour acheter la paix une coupe de semaines.

 

Enlever le linge. Frencher. Doigt dans plote. Pénis bandé. Toi sur moi. Pénétration. Zignage de deux minutes.

 

T’es venu.
Pas moi.
Je suis allée pisser.
T’étais content.
Pas moi.

 

En revenant je t’ai dit, ne me touche plus.
Jamais.

 

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Tu m’as traitée de charrue, quand, quelques mois après notre rupture je t’avertissais que j’entrais en relation avec un autre homme.
Vas t’pendre, que tu m’as dit, grosse charrue.

 

Être une femme, pis pas avoir le droit d’aimer trop vite. //

 

 

 

Alexandre

 

T’aimais ça fourrer en doggy style. Tu capotais sur mon cul. Peut-être même plus que sur ma face, que sur mes seins, que sur mon ventre un peu gras. T’arrêtais pas d’en parler, pendant qu’on faisait l’amour, de mon cul, mon cul, toujours mon cul. Tu me le tapais, l’empoignais, entrais tes ongles dans ma peau, tentais d’y mettre un doigt.

 

Tu m’avais déjà parlé du sexe anal que t’avais eu avec ton ex. Elle aimait ça, que tu disais. Tu aimais ça aussi, apparemment. Moi, j’étais pas à l’aise. Je disais non. Mais ça ne suffisait pas. J’ai fini par inventer une connerie comme quoi un ex m’avait déjà forcé, que j’étais traumatisée. Ça t’a calmé un temps.

 

Un temps.

 

Puis, encore le même manège. Cette même obsession pour mon cul. J’ai fini par céder. Tu m’as sodomisée.

 

Le pire, dans tout ça.
C’est que j’ai presqu’aimé ça.

 

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J’appelais ton coloc Mister Hurricaine. Fourrait chaque dix minutes par tranches de trente secondes. Ta tête de lit sur le même mur que sa tête de lit. Des coups plus lourds qu’un marteau piqueur. La fille qui hurle comme une louve, la lune pleine en criss.

 

Toi.
Tu me disais de me taire.
Mettais ta main sur ma bouche.
Me baisais en ne bougeant presque pas.

 

Me faisais sortir par ta fenêtre.

 

//

 

Tu m’as dit qu’avec ton ex, t’avais attendu avant de fourrer parce qu’elle était du girlfriend material.

 

J’ai pas pu m’empêcher de me dire qu’avec moi, t’avais pas attendu pantoute.

 

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Défoncée comme un Nouvel An, j’étais en train de te sucer quand tu m’as dit qu’on était ben ensemble.

 

Que j’étais un pas pire rebound.

 

Je suis sortie par la fenêtre.
Tu t’es fini à’ mitaine. //

 

 

Simon

 

Première vraie date ensemble.
Bières. Cigares. Yeux dans les yeux. Tu me frôlais de partout.

 

On avait gagné une game de babyfoot contre des hippies au Fou Bar.

 

Tu me ramènes chez toi.
Langue dans bouche. Doigts sur toutes les peaux. Je me retrouve nue dans ton lit, déshabillée par tes doigts de poète, tortillante comme un tremblement de terre, puis.

 

Je couche jamais avec des filles au premier rendez-vous, que me tu dis, toi tout vêtu.

 

Moi. Nue dans ton lit.
Tu t’éloignes.
Le sexe qui s’assèche, d’un coup.

 

J’ai eu si honte de mon corps nu, d’un coup.

 

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Mon meilleur ami qui descend à Québec. Ton chum de gars qui te convainc que je t’ai été infidèle. Il ne me connaît pas. Ne sait rien de moi. Rien de cet ami que je dépanne. Rien sur la quantité incroyable de pots sans gluten qui pullulent dans mon garde-manger parce que t’es intolérant.

 

Tu l’as cru. Ne m’a laissé aucune chance. Vagins et pénis ne peuvent être amis, dans ton livre à toi. Le sexe. Toujours le sexe…

 

Je suis quand même venue te porter deux sacs d’épicerie pleins de ce que j’avais acheté pour toi. //

 

 

Mickaël

 

La veille j’avais couché avec un gars. Tu le savais. On en avait parlé.

 

Ce soir-là, tu dormais chez moi.
Après quelques films, quelques bières, tu m’as pogné les boules. J’ai dit non.

 

Ça t’as fâché.
Pourquoi tu veux coucher avec lui, qu’t’as dit, pis pas avec moi.

 

J’ai baissé la tête.
L’échine.
Les genoux.

 

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De toute façon, tu sais jamais c’que tu veux, qu’t’as dit, quand un jour j’ai dit oui, et que l’autre j’ai dit non.

 

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Après une tentative pathétique de fourrer debout dans la micro douche de chez ta mère, tu m’as dit, déçu, j’comprends pas, avec Lily on avait réussi, tu dois pas être assez flexible.

 

C’est que mon nerf sciatique est coincé, que j’ai marmonné.

 

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La seule fille qui a réussi à me faire venir en me suçant, c’est Manue, qu’tu disais.
C’est qu’elle se donnait vraiment, as-tu précisé. //

 

 

Ma famille

 

Mes boules ont été le running gag de ma famille pendant des années. J’en avais pas. J’en voulais. On riait de moi.

 

T’achètes pas de tires quand t’as pas d’char, fait que pourquoi tu t’achètes des brassières quand t’as pas d’boules, qu’on disait en se la bidonnant.

 

Astheur j’en ai.
Elles sont arrivées en même temps que le tour de taille.

 

Astheur on ri de mon gras d’ventre.
On peut pu l’appeler la p’tite, que mon oncle a dit un soir autour d’un plat de pâté chinois.

 

Fuck you.
All.

 

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Ma mère m’a déjà dit qu’elle m’aurait jamais laissée être lesbienne.

 

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Quand je dis que je ne me lave plus les cheveux depuis des mois, on me regarde avec un air de dégoût.

 

Quand mon chum dit la même chose, on s’en câlice. //

 

 

Jérome

 

C’était l’époque où Miley Cirus se teignait les poils de t’sour de bras en teintes pastel.

 

J’avais vu un post Facebook où un gars s’était peint les ongles d’orteils en rouge pour montrer à son fils que le keetex, c’était pas rien qu’une affaire de fille.

 

 

C’était l’époque où tu m’as dit que le poil, tu trouvais ça profondément dégueulasse. Que jamais tu irais te dessiner les ongles juste pour inculquer des valeurs à un enfant.

 

J’ai rasé mes aisselles. Mes jambes. Ma chatte.
J’ai pas insisté.

 

Je t’ai laissé être un homme.

 

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Tu tombes par hasard sur une photo de moi pis de mon meilleur pote dans mon cellulaire. Les cent pas dans l’appartement gros comme un garde-manger, vous avez fourré en hostie, han, que tu demandes, que tu rages, pis à ce moment-là t’es tellement en calvaire que peu importe ce que je te dis tu me crois pas. Vous avez crissement fourré, que tu me martèles, que tu vires fou dans’ tête.

 

Apparemment qu’avec toi aussi, on ne pouvait pas avoir des amis mâles quand on porte le vagin, ça doit être une logique de gars. Je me suis mise à compter toutes les amies que tu avais et avec qui t’avais probablement envie de coucher, puisque A et B.

 

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Quand on sortait, au resto, au bar, au cinéma, n’importe où, seuls ou avec des potes, pis que t’avais pas une cenne pour payer, tu te sentais tellement nul que tu m’obligeais à te donner ma carte de guichet, histoire de faire comme si.

 

C’est le gars qui paye, dans vie, que tu disais. //

 

 

Monsieur Caca

 

Rencontre Tinder avec un ti-cul de l’âge de mon plus jeune frère. Bières à la Korrigane. Partage du majestueux nacho, sur mon bras.

 

Plein de belles filles autour. Heureuses, trois-quatre verres dans l’sourire. Faut comprendre un truc à propos des filles, que tu dis, les filles, ça fourre quand ça veut, pis les gars quand ça peut.

 

J’aurais dû crisser mon camp, te laisser payer le bill.
J’ai juste oublié ton nom, pour compenser. //

 

 

Guillaume

 

Le lendemain d’une baise moyenne où tu t’es endormi avant d’aller me reporter chez moi, tu m’as présenté à ta mère pis à ta sœur sur le bord de la porte.

 

Rendu à l’asso, entre deux cours, t’as cru bon d’me dire que ta sœur avait apparemment averti ton monde, après présentations, que ça ne valait pas la peine qu’on retienne mon nom.

 

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Tu m’as crissé là par texto.
Deux fois.

 

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Quand tu prenais la peine de venir me chercher. De me payer deux trois bières. De faire semblant d’être intéressé par mes soliloques. Quand tu me prenais par la hanche pour danser sur les tounes poches du bar vide. Quand tu montrais publiquement à des étrangers que tu m’aimais bien, mettant ainsi en danger des baises potentielles avec de belles inconnues.

 

Quand tu faisais ça.
Je savais que c’était rien que pour pouvoir me fourrer.

 

Pis chaque fois ça marchait. //

 


Paméla Couture est probablement mieux connue sous le nom de Paméla Personne – ce qui en dit long. Récipiendaire d’une bourse de Première Ovation pour un projet de roman qui ne verra probablement jamais le jour, Paméla Personne écrit de la poésie et tient un blogue, travaille à la Librairie Pantoute depuis plus de deux ans et est jury sur le Prix des Libraires volet poésie. Amoureuse du travail d’édition, elle a signé quelques contrats ici et là pour la mise en page de revues de création littéraire telles que Recréer la côte et L’écrit Primal. Côté études, elle serait apparemment à la maîtrise, on dit qu’elle souhaite travailler sur Maude Veilleux et écrire un recueil de poèmes où elle raconte des mauvaises choses à propos de son amoureux.