Noémie Pomerleau-Cloutier

 

ce jour-là
tu avais dressé
une liste
j’allais avoir douze ans
une semaine après
la coupe à blanc

femme en lignification
rejet du pied mère d’épinette

le lendemain
au bord de l’estuaire
une polyvalente iceberg
j’ai entendu
tes pas dans les corridors

femme de frasil
en formation

c’était déjà l’hiver
après tout
sur la Côte-Nord
le glacis prend tôt

ton sillage m’a faite
femme transie

à la télé
ils ont dit
tu avais vingt-cinq ans
pour moi
c’était vieux

je sais maintenant
tu portais les rides en crans
une haine ancienne
l’ombre qui dominait mon monde
de bulbe femme

à la télé
ils ont dit
elles avaient de vingt à trente-et-un ans
pour moi
c’était vieux

je sais maintenant
c’était à peine
la saison des boutures

à la télé
ils ont dit
tu étais
simplement fou
pourtant
je ne les ai jamais crus

du haut du marcottage
j’ai dit
des hommes comme toi
ça ne m’empêchera jamais
d’aller à l’université

à la télé
ils ont dit
tu t’es enlevé la vie
après leur mort

je dis
ce que tu leur as arraché
d’autres femmes
l’ont pris
comme tuteur
pour s’assurer
que tu ne reviennes pas
nous hanter

à la télé
ils parlent
d’elles
de toi
à la date chardon
qui burine
chaque année

à la télé
un jour
ils oseront étiqueter
ce que tu as planté

féminicide

ce jour-là
tu seras mort
pour vrai

parce qu’en attendant
tu vis chez trop d’hommes
qui déposent
sur ton autel
des femmes
en offrande

 


Noémie Pomerleau-Cloutier est née à Sherbrooke, mais a grandi en Gaspésie et sur la Côte-Nord, qu’elle considère comme sa région d’origine. Longtemps exilée en tant que coopérante volontaire en Afrique de l’Ouest, elle habite maintenant à Montréal et est formatrice en alphabétisation populaire, professeure de yoga et traductrice/réviseure linguistique à ses heures. Cette amoureuse des mots et des images est aussi une citoyenne féministe engagée pour l’accès à l’éducation à tout âge, pour la justice sociale et dans des projets qui démocratisent la poésie. Ses textes ont été publiés à quelques reprises dans la Rue de la poésie dans son quartier, Hochelaga-Maisonneuve, dans Cher Hochelaga (janvier 2016), dans le deuxième numéro de Recréer la côte (novembre 2016) et dans Cavale (janvier 2017). On peut également lire sa poésie photographique sur son compte Tumblr, Éclats et balbutiements.