Mariana Montoya

I

 

Quand je pense à la Colombie je vois les couleurs
Des tapisseries et tableaux des femmes de ma famille
Je vois aussi le vert des majestueuses Andes
Et le gris de smog, de brume et de pluie
Au sein de cette capitale chaotique

 

Quand je pense à la Colombie je sens les odeurs
Des viandes et des haricots, les pains et les fruits
Je vois ma grand-mère qui prépare des arepas con hogao y huevos
J’entends ses mains aplatir la pâte au même rythme qu’un bambuco
Je sens le chocolate con queso que ma mère prépare pendant la saison des pluies
Il m’arrive de les goûter encore aujourd’hui, 15 ans plus tard
La familia me permet de les revivre

 

Mes parents ont amené les sons de Colombie quand nous sommes débarqués
On savait, ma sœur et moi, qu’il était jour de ménage
Quand on entendait bachatas, boleros, trompetas y acordeon
La richesse d’un millier de voix et d’instruments marquant la danse
D’enlever tout ce qui est sale chez soi

 

Avant même que je parte en thérapie, ma mère insistait
Pour que je fasse le ménage de ma chambre, puis de mon appartement
Elle disait que c’était important de montrer qu’on aime l’endroit où l’on vit
Prendre soin des choses qu’on aime

 

Elle répétait souvent qu’on ne pouvait pas se sentir bien
Quand on dort dans le chaos et dans la saleté et le désordre.
Elle avait raison.

 

Combien de fois j’ai eu des petits éveils, des légères claques psychologiques
Pendant que je me concentrais à faire du ménage ou à cuisiner
Les fois que j’avais assez de force et d’énergie pour le faire,
Me dire qu’en effet, il y avait quelque chose de méditatif
À détruire le désordre et reconstruire un chez-soi

 

 

 

 

 

 

II

 

Quand je pense au Québec, je vois le blanc de neige
Le blanc du ciel de janvier, les toits immaculés,
Je vois aussi le rouge mélancolique d’automne,
Les dernières flammes d’un phénix qui s’endort
Dans les grandes forêts d’ici.

 

Quand je pense au Québec, je me souviens du moment
Où j’ai appris que chaque saison a sa propre odeur
Je me souviens aussi de ma première cabane à sucre et de mes sens
Qui dansaient au même rythme que les violoneux et les cuillères
J’aime bien imaginer l’enfance de l’homme que j’aime
Les joues toutes rouges après avoir patiné pendant des heures
Le souffle en nuages blancs et les constellations qui regardent la game

 

Tous les enfants du monde voulons un peu la même chose
Jouer sous les étoiles, avoir les joues rouges de joie
Et avoir un chez-soi où rentrer prendre quelque chose de chaud.
Variations de la même mélodie qui nous fait tous danser
Nos cœurs, des hirondelles dans nos cages thoraciques

 

J’ai pris racine dans ces terres boréales malgré la rigueur de la glace
J’ai appris qu’elle finit toujours par fondre
J’ai appris le cycle des saisons et changer comment compter le temps
J’ai arrêté de compter les hivers pour me tourner vers les printemps
Les étés et les automnes viendront, et je porterai mes fruits un jour

 

 

 

 

 

 

III

 

Je m’adapte pour survivre,
Je me métamorphose
Au fil des identités que j’ai,
Que j’ai eues,
Que j’aurai toujours.

 


Mariana Lucia Montoya Merlano est née en Colombie en 1991. Arrivée en sol canadien en 2001, elle est tombée dans la marmite du bilinguisme, trainant rapidement avec Victor Hugo. Titulaire d’un baccalauréat en psychologie, sa vie complète est marquée par l’amour des arts et de la communication humaine. De sa pratique elle garde dans son écriture cette empreinte humaine, la passion de la rencontre de l’Autre. Depuis peu, elle travail son projet poétique sur son blogue, La plume noire où elle partage expériences, réflexions. Elle contribue également à la multiplateforme Livin’ Brain en plus de danser au sein d’une troupe de Baladi. Elle est également engagée contre toute forme d’injustice, particulièrement réactive à toutes formes de sexisme et de racisme.