Les vrais mâles préfèrent la viande – Convergences du féminisme et de l’antispécisme [1]

ÉLISE DESAULNIERS

« « Viens, mon Grand »,
hurlait le morceau de foie délirant que dans ma propre aberration
j’achetai un après-midi chez le boucher et que,
croyez-le ou non, je violai derrière un panneau d’affichage,
en route pour une leçon préparatoire au bar mitzvah. »

Philip Roth, Portnoy et son complexe, éd. Folio, 1991, p. 33.

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Sur la couverture de son numéro « spécial hommes » présentement en kiosque, Ricardo s’est entouré de six semblables pour nous offrir des côtes levées, du poulet frit et des trucs technos. Entre les fumoirs et les meilleures coupes de bœuf pour le BBQ trône une section sur le bacon – où quelqu’un a trouvé le moyen d’ajouter quatre tranches de fesses de cochon à une tarte aux pacanes. Certains y verront un florilège de clichés, mais le magazine défend son manque d’imagination : si on patauge dans les stéréotypes, c’est que le client en redemande. « Lorsqu’on a fait un appel à tous auprès de nos lecteurs pour savoir quel genre de plat ils aimeraient avoir dans notre numéro spécial gars, le message qu’ils nous ont envoyé était clair : “On veut du bacon au bacon enroulé dans du bacon.” C’est donc à leur demande que nous avons décidé d’ajouter ce dossier 100 % cochon. »

Dans le monde de Ricardo, tous les hommes sont blancs, plutôt riches, plutôt forts, plutôt d’âge moyen. Et assurément hétérosexuels et carnivores. Seul Ricardo peut se permettre un peu de sensibilité avec des framboises et des poivrons en nous faisant visiter son jardin. Les autres gars, les vrais, maintiennent la ligne dure : « Les filles seraient étonnées de voir qu’on mange de la salade quand elles ne sont pas là… c’est parce qu’elle contient du steak », affirme Hugo dans le reportage sur le « party de gars 100 % bœuf ». Il serait sans doute d’accord avec l’analyse du rapport des hommes à la viande que fait le publicitaire Jimmy Berthelet, sur le site Web du magazine : « Le barbecue nous connecte avec nos origines les plus primaires. Des flammes, une pièce de viande, l’odeur de la fumée… c’est une expérience imprégnée en nous. C’est une cuisson d’instinct et de toucher. »

Les vrais mâles préfèrent la viande. Cette idée simpliste est bien ancrée dans notre culture. La viande est associée à la force physique : les hommes sont forts, les hommes doivent être forts; les hommes ont besoin de viande. Dans la grande dichotomie patriarcale, la symbolique de la viande résonne avec des qualités typiquement masculines : le courage, la puissance sexuelle, la richesse et le prestige. L’entrecôte, c’est la nourriture de ceux qui ont atteint le penthouse de la chaîne alimentaire. À l’opposé, les légumes inspirent l’ennui, la passivité. Végéter, c’est vivre de façon inerte, sans volonté.

Si l’identité masculine est associée aux côtes levées, les femmes, elles, sont du côté des légumes en papillote. Au 19e siècle, Hegel écrivait d’ailleurs que « la différence qu’il y a entre l’homme et la femme est celle qu’il y a entre l’animal et la plante. L’animal correspond davantage au tempérament masculin, la plante davantage à celui de la femme. Car la femme a davantage un développement paisible, dont le principe est l’unité indéterminée de la sensibilité[2] ». On l’aura deviné, Hegel n’était pas très queer.

 

Pour une égale considération des intérêts

La consommation de viande a été et demeure la norme dominante en Occident. C’est dans notre nature, c’est dans notre culture. Or, il est aussi dans la nature des normes dominantes d’essayer de se faire oublier. Et il faut bien l’avouer, dans le cas de la consommation carnée, c’est plutôt réussi : peut-on simplement imaginer un monde sans viande?

J’ai moi-même longtemps pensé que, lorsqu’on prépare un « vrai » souper, le passage par la Maison du rôti et chez le fromager Hamel étaient une nécessité. Jusqu’à ce que je comprenne que j’avais le choix. Car il s’agit bien d’un choix : on peut vivre sans protéines animales, on peut même vivre mieux, plus longtemps et en laissant une empreinte écologique beaucoup moins importante. Oui, la chair animale a pu jouer un rôle important dans notre évolution, mais on a eu 10 000 ans d’agriculture pour apprendre à s’en passer.

Il y a cinq ans, j’ai fait le choix de cesser d’exploiter des animaux pour me nourrir, me vêtir, me divertir. Je suis devenue végane en comprenant que mes comportements étaient « spécistes ». Depuis Darwin, il est admis qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre les humains et les autres espèces animales : notre espèce diffère des autres en degrés et non pas en nature. Pourtant, nombre d’animaux sont traités comme de simples moyens de production, dominés, exploités et liquidés, pour la simple raison qu’ils ne sont pas des homo sapiens.

Le spécisme, c’est cette discrimination fondée sur l’espèce et qui conduit à mépriser les intérêts des animaux non humains (parce que, oui, les humains sont aussi des animaux). Le concept est apparu dans les années 70 par analogie avec ces autres discriminations moralement arbitraires que sont le racisme et le sexisme. Le terme a été popularisé par le philosophe Peter Singer dans son fameux livre Animal Liberation (1975). Le mouvement antispéciste est donc un mouvement pour la justice qui refuse de voir l’appartenance à une espèce comme un critère moral suffisant.

C’est plutôt la capacité de souffrir (ou l’intérêt à avoir une vie satisfaisante), qui comme l’avait déjà vu Jeremy Bentham devrait déterminer les bornes de notre considération morale. Une chaise n’a pas d’intérêt à ne pas recevoir de coups de pied. Une truie, en revanche, a intérêt à ne pas passer sa vie coincée dans une cage et à ne pas être abattue. Quand on préfère le goût du bacon à la vie d’une truie, on méprise donc l’intérêt d’un individu capable de vivre et de souffrir parce qu’il est d’une autre espèce que nous. Est-ce que cela ne vous rappelle rien?

Pour ma part, c’est après être devenue végane et antispéciste que j’ai découvert le féminisme. Plus précisément, l’épiphanie est arrivée pendant l’écriture de Vache à lait, alors que j’avais en pleine face l’exploitation des vaches parce qu’elles sont des vaches. Inséminées artificiellement, séparées de leur veau à la naissance, attachées toute leur vie et forcées de produire pour la trayeuse, les vaches sont exploitées jusqu’à la dernière goutte de lait. Après quatre ou cinq ans, lorsque leur productivité diminue, on les amène à l’encan où elles seront achetées par des abattoirs pour devenir du « bœuf » haché. La finalité de la manœuvre? Faire de l’homme le seul mammifère qui continue à boire du lait, bien après l’âge du sevrage.

Malheureusement, nous sommes peu nombreuses et nombreux à nous inquiéter du sort des vaches. Elles ne crient pas, ne tirent pas sur leur chaîne. Calmes, dociles, serviles et silencieuses, nos nourrices de substitution sont aussi des victimes parfaites. Il faut toutefois noter qu’elles ne sont pas seules. Pour des raisons biologiques, les femelles sont plus souvent et plus longtemps confinées que les mâles (généralement abattus à l’adolescence). Bref, plus j’avançais dans ma compréhension des mythes de l’industrie laitière, plus le parallèle avec l’oppression des femmes devenait troublant.

 

Une politique sexuelle de la viande

De nombreuses auteures ont d’ailleurs rapproché féminisme et antispécisme. Dans The Pornography of Meat (2004) qui fait suite à son célèbre The Sexual Politics of Meat (1990), l’auteure féministe Carol J. Adams montre comment la société patriarcale sépare le monde en deux catégories. La première, « A », constituée des hommes, des Blancs, de la culture, de la civilisation, du capital, des êtres humains. La seconde, « non-A », comprend tout le reste, tout ce qui relève du second ordre : les femmes, les non-Blancs, la nature, les corps, les Premières Nations, le travail… et les animaux non humains. Dès lors, les mécanismes qui permettent d’opprimer différentes minorités rendent possible l’exploitation des animaux. Une des thèses politiques de Carol J. Adam, c’est donc que les luttes contre l’oppression sous ses différentes formes doivent se faire parallèlement.

Il arrive que la langue parle d’elle-même. En anglais, le terme husbandry est utilisé pour décrire l’élevage des animaux. Lorsqu’il apparaît autour de l’an 1000, husband signifie « homme chef de ménage » et ne commencera à être lié au mariage que quelques centaines d’années plus tard. Comme l’homme possède femme et enfants, il possède aussi des animaux. Le patriarcat (où les hommes contrôlent les femmes) et l’élevage (où les hommes contrôlent les animaux non humains) sont justifiés et perpétués de concert.

Historiquement, les femmes ont été considérées comme moins intelligentes que les hommes, moins rationnelles, plus près de la nature et des animaux. Dès lors, il n’est pas surprenant que la domination qu’elles subissent fasse écho à la domination des animaux. Réduire les femmes et les autres animaux à quelque chose de moins civilisé qu’eux a permis aux hommes de les exploiter comme le souligne brillamment l’écoféministe Marti Kheel[3]. La recette a fait ses preuves : ne pas reconnaître aux victimes le statut de sujets avec des fins autonomes pour les cantonner à celui d’objet/moyen sans intérêts propres.

Les luttes féministes ont été (et sont toujours) marginalisées, démonisées, ridiculisées et ignorées parce qu’elles ébranlent les fondements les plus profonds de nos sociétés. De même, toute tentative de remettre en question l’exploitation des animaux et la consommation de viande est perçue comme une attaque aux traditions, à l’ordre établi. Elle suscite des réactions violentes : allez lire les commentaires accompagnant n’importe quel article sur le végétarisme si vous en doutez…[4] C’est aussi aux végétariens qu’on demande de justifier leurs choix alors qu’il est banal de se nourrir de poulets élevés en batterie qui seront égorgés à la chaîne et de manger les œufs de poules qui n’ont jamais pu ouvrir leurs ailes. Les médias renforcent habituellement ce préjugé : lorsqu’on laisse la parole à celles qui, comme moi, dénoncent l’industrie de la viande, on l’accompagne bien souvent de citations de producteurs qui viennent montrer « l’autre côté de la médaille ». Comme si cette médaille ne brillait pas déjà dans toutes les sphères de la société.

Pourtant, il ne fait aucun doute qu’un monde sans exploitation animale serait un monde meilleur. Pour les animaux bien sûr. Mais aussi pour les humains. D’un simple point de vue écologique (et anthropocentriste), l’alimentation des végétaliens émet sept fois moins de gaz à effet de serre que celle des omnivores. Et c’est sans compter les économies importantes en eau potable, la réduction des intrants chimiques et l’impact sur l’utilisation de terres agricoles[5].

Au début des années 80, Adrienne Rich soutenait que dans une société patriarcale, l’hétérosexualité n’est pas un choix ou une préférence; c’est une norme institutionnelle destinée à maintenir les femmes dans un rapport de sujétion physique, économique et émotionnelle. Il en va de même avec l’alimentation carnée. Celles et ceux qui rejettent la norme dominante en adoptant un mode de vie végane se heurtent à des obstacles très similaires à celles qui remettent en question la norme hétérosexuelle. Marti Kheel résume ainsi l’intrication des luttes : « Tout comme une femme est considérée comme incomplète sans un homme, les aliments végétariens sont considérés comme incomplets sans l’ajout de chair. »[6]

 

Comfort food

La politique sexuelle de la viande a plusieurs cordes à son arc. Depuis quelques années, je suis fascinée par le nouveau visage, sympa, barbu et tatoué qu’on essaie de donner à l’oppression. En novembre 2012, par exemple, Elle Québec consacrait un reportage à la « Mâle bouffe » pour décrypter « la cuisine boostée à la testostérone ». On y apprenait que « le summum de la virilité » c’était d’« apprêter soi-même la bête qu’on a chassée » et que les cours d’initiation à la chasse atteignent d’ailleurs des records d’assistance.

Pour Patrice Plante de Tripes et Caviar interviewé dans le reportage, chasser est un geste écologique : « Les gens n’ont plus conscience de l’origine de leur nourriture comme s’ils voulaient oublier que ce sont des animaux qui ont été tués […]. Nous prônons un retour au respect des écosystèmes que l’industrialisation et la société de consommation ont jeté à terre. » Le mouvement nose to tail qui encourage à tout consommer, ce qui inclut les parties moins nobles, se défend de respecter la bête : « Elle a sacrifié sa vie pour nous nourrir, la moindre des choses c’est qu’on l’utilise au maximum. »

Manger l’animal au complet, et tant qu’à y être, tous les animaux : dans son livre Cabane à sucre au Pied de cochon, le cuisinier Martin Picard propose une recette de sushi à l’écureuil. La poitrine de poulet industriel désossée sous emballage « cello », c’est pour les mauviettes. Le dégoût et la compassion, c’est un truc d’urbain brainwashé par les animaux anthropomorphisés de Disney.

L’idée de manger moins de viande, mais de meilleure qualité, a de quoi séduire. Tout comme celle de « respecter » l’animal en ne gaspillant rien, voire de le tuer soi-même pour avoir une relation plus « authentique » avec sa nourriture. Il faut dire qu’il devient difficile d’ignorer la réalité des usines à viande et de l’exploitation animale. Une foule de documentaires, vidéos et photos sont aujourd’hui facilement disponibles sur le Web.[7] Il est donc de bon ton de rejeter l’élevage industriel, de dire qu’on se soucie du bien-être animal et d’en appeler à un retour aux traditions. Malheureusement, ces discours (souvent sincères) ne changent pas fondamentalement la donne. Ils recouvrent surtout l’exploitation animale d’un vernis rassurant.

La psychologue américaine Melanie Joy a développé au début des années 2000 le concept du « carnisme » pour décrire l’idéologie selon laquelle il serait normal, naturel et nécessaire de consommer certains animaux. Le carnisme, c’est le contraire du véganisme et un sous-ensemble du spécisme (comme l’antisémitisme est une forme de racisme). À la différence du véganisme, le carnisme est une idéologie violente et dominante, qui reste habituellement invisible. Dans Why We Love Dogs, Eat Pigs, and Wear Cows : An Introduction to Carnism, Melanie Joy montre la violence inhérente au carnisme : la production moderne de viande ne peut se faire sans violence. Elle montre aussi que cette idéologie déforme notre perception pour bloquer notre sensibilité et notre empathie lorsque nous mangeons de la viande. [8]

Le concept de carnisme (et de néocarnisme) est aussi très utile pour analyser l’attitude des « consommateurs consciencieux » qui, choqués par les images d’élevage industriel, cherchent à maintenir leur consommation sans culpabiliser. Une attitude très présente dans le discours foodie actuel. Ainsi, qualifier le véganisme de « trop extrême », dire (le plus souvent sans le faire) qu’il vaut mieux consommer de la viande produite « humainement » et « à petite échelle »[9], ce n’est rien d’autre, en définitive, que maintenir par tous les moyens l’idéologie qui cache l’exploitation et la domination. C’est précisément ce discours néocarniste qu’on retrouve dans les pages de Elle Québec et autres dossiers « spécial bouffe de gars » destinés à rassurer les lecteurs et les publicitaires.

On en rajoute même une couche en présentant les animaux comme des victimes consentantes. Chez St-Hubert, on est accueilli par un coq qui a mis ses gants blancs et son nœud papillon… Parce qu’il va au restaurant? Et la Vache qui rit est vraiment contente… Parce que son veau est cloîtré dans un hangar et sera abattu dans quelques semaines? Mais la palme québécoise de la victime consentante revient assurément au logo de la cabane à sucre de Martin Picard : un cochon souriant est ligoté à un érable pour s’abreuver goulûment de la sève. Le comfort food n’aura jamais aussi bien porté son nom.

Féministes véganes et véganes féministes

Dans l’ouvrage Sistah Vegan (2010), la sociologue afro-américaine Michelle Loyd-Paige cherche à repenser la convergence du féminisme et de l’antispécisme. Selon elle, ce sont toutes les questions de justices sociales qui sont interconnectées et doivent être abordées de front : « Toutes les inégalités sociales sont liées. Un changement complet et systématique ne peut se produire que si nous sommes conscients de ces relations et travaillons à mettre fin à toutes les inégalités – pas seulement nos préférées ou celles qui touchent notre partie de l’univers. Personne n’y échappe. Par nos actions ou nos inactions, nos soins [care] ou notre indifférence, nous faisons soit partie du problème ou de la solution. [10] »

Une chose me paraît claire : toutes les véganes devraient être féministes. On ne mettra pas fin à l’exploitation des animaux en objectivant des corps féminins comme on le voit encore trop souvent.[11] L’intérêt croissant du public – et particulièrement des plus jeunes – pour la cause animale devrait aussi être l’occasion de rappeler la convergence de l’antispécisme et du féminisme.

Toutes les féministes devraient-elles être véganes? Je n’ai pas de réponse assurée à cette question. Je sais seulement qu’elles devraient s’informer sérieusement sur la production de leurs protéines d’origine animale, méditer le troublant parallèle entre spécisme et sexisme et lire Carol J. Adams et ses consœurs. Car il n’est pas fou de penser que les animaux non humains ont leur place aux côtés des pauvres, des personnes âgées, des minorités racialisées et sexuelles et des femmes dans la grande cohorte des victimes du patriarcat.

En gardant nos distances avec les animaux non humains, ne sommes-nous pas en train de reproduire ce qu’on reproche à celles qui ne s’intéressent qu’aux Blancs ou à la classe moyenne? En continuant de consommer la chair, le lait et les œufs, ne sommes-nous pas en train, comme le suggère Joan Dunayer, de calquer les oppressions patriarcales?[12]Pouvons-nous vraiment continuer d’ignorer qu’en ce moment, simplement au Québec, 172 000 000 de volailles, 4 000 000 de dindons, autant de porcs, 1 300 000 bovins et 275 000 agneaux sont gardés en captivité en attendant d’être abattus pour notre plaisir gustatif?[13]

Est-ce que toutes les féministes devraient être véganes ? Si j’hésite à répondre, c’est aussi parce que je me méfie des normes abstraites et des règles universelles qui sont censées s’appliquer à toutes les personnes, sans distinction de sexe, de race, de classe et de culture. Ce dont je suis certaine, c’est que nous sommes trop nombreuses à nous fermer les yeux, à refuser de savoir simplement parce qu’un grilled cheese au bacon, c’est bon (quelle excuse, quand on y pense!). Certes, l’adoption d’un mode de vie végane peut demander des compromis — et un ou deux livres de recettes. Mais pour plusieurs d’entre nous, ce n’est pas hors de portée.

En devenant végane, j’ai découvert que la justice pouvait se traduire dans ma vie quotidienne, à chaque repas. J’ai aussi découvert que l’empathie que j’éprouvais pour les animaux et ma colère devant leur exploitation avaient bien un sens politique. Car, comme le féminisme, le véganisme est un contre-pouvoir, un instrument de résistance à l’oppression — et, ce qui ne gâche rien, c’est un instrument efficace. Si j’ai espoir en l’avenir, c’est parce que je sais que cela commence à se savoir. Si j’ai espoir en l’avenir, c’est parce qu’on ne naît pas végane; on le devient.

 

[1] L’auteure remercie Christiane Bailey et Martin Gibert pour leur aide précieuse.

[2] Hegel, Georg Wilhelm Friedrich. Principes de la philosophie du droit, trad. Jean-Louis Vieillard-Baron, GF-Flammarion, 1999, § 166 add.

[3] Marti Kheel, « Vegetarianism and Ecofeminism: Toppling Patriarchy with a Fork » dans Food for Thought: The Debate Over Eating Meat, éd. par Steve F. Sapontzis, 327–341. Amherst, NY: Prometheus Books, 2004, p. 333.

[4] Un tumblr aussi hilarant que troublant a été créé avec les commentaires laissés sur les articles qui défendent les droits des animaux : https://fautpasvirerfou.tumblr.com/

[5] Voir Élise Desaulniers et Frédéric Côté-Boudreau, « Jour de la Terre : adoptons une habitude réellement durable », Le Huffington Post Québec, 22 avril 2014, https://quebec.huffingtonpost.ca/elise-desaulniers/jour-de-la-terre-habitudes-durables_b_5191137.html

[6] Marti Kheel, op. cit.

[7] Voir par exemple Food Inc. (https://www.youtube.com/watch?v=2Oq24hITFTY), La face cachée de la viande (https://www.youtube.com/watch?v=vJCiHeIVQnQ) ou Earthlings (https://www.youtube.com/watch?v=qsQhQTyOKMI), de même que le travail de la photographe Jo-Anne McArthur (https://www.weanimals.org/) et les résultats d’enquête de Mercy for Animals Canada (https://www.mercyforanimals.ca/).

[8] Voir Martin Gibert et Élise Desaulniers. « Carnism »,  Encyclopedia of Food and Agricultural Ethics, Springer Reference, à paraître.

[9] Ce qui, du point de vue environnemental, s’avère être complètement faux. Voir notamment James Mc Williams, « The Myth of Sustainable Meath », The New York Times, 12 avril 2012. https://www.nytimes.com/2012/04/13/opinion/the-myth-of-sustainable-meat.html

[10] Michelle Lloyd Paige, Sistah Vegan: Food, Identity, Health, and Society: Black Female Vegans Speak, Lantern Books, 2010, p. 2.

[11]D’ailleurs, la fin ne justifie même pas les moyens : une étude récente montre que le sexe ne fait pas vendre les causes sociales. L’intention de soutenir PETA décroît auprès de ceux qui ont vu leurs publicités présentant des corps féminins dénudés. Renata Bongiorno et al., « When Sex Doesn’t Sell: Using Sexualized Images of Women Reduces Support for Ethical Campaigns », PLoS ONE 8(12): e83311. doi:10.1371/journal.pone.0083311.

[12] Dunayer, Joan, « Sexist Words, Speciesist Roots » Women and Animals: Feminist Theoretical Explorations, Ed. Carol Adams and Josephine Donovan. Durham: Duke University Press, 1995, p. 19.

[13] Statistique Canada, Bétail et aquaculture. https://www.statcan.gc.ca/tables-tableaux/sum-som/l02/ind01/l3_920_2553-fra.htm?hili_agrc04. Il n’existe malheureusement aucune statistique précise sur le nombre d’animaux marins tués chaque année. Mais comme les mammifères et les oiseaux, ils ont aussi la capacité de souffrir et un intérêt à vivre.