Le travail de la colère

Travail

CATHERINE MAVRIKAKIS

Il me semble bien difficile de faire l’histoire de la lutte des femmes dans le monde et plus largement des féminismes sans penser la place importante de la colère féminine et de ses manifestations politiques. En effet, dans le domaine du combat constant contre l’injustice faite aux femmes sur cette planète, rien de grand ne se serait fait, rien de grand n’aura lieu sans colère, sans une prise de conscience qui part d’un affect violent, d’un sentiment puissant d’injustice qui poussera à l’action.

Depuis le dix-neuvième siècle, ce sentiment de révolte s’exprime dans une rage perçue comme légitime par la gauche et plus spécifiquement par les pensées du minoritaire. Il s’agit chez les victimes et les opprimés de ce monde, les pauvres, les Noirs, les femmes, les militants sidéens, par exemple, d’investir la colère et de lui donner droit de cité. La pensée noire, que l’on trouve dans Lautobiographie de Malcolm X associe la colère àune théorie de l’action : si les pleurs et la tristesse paralysent les dominés, la colère doit être vue comme positive et surtout comme facteur de potentiel changement. La colère devient ferment politique et elle est présente chez des penseurs tels Frantz Fanon, Albert Memmi, bell hooks ou encore Paulo Freire (qui, dans La Pédagogie des opprimés, parle de « juste colère »).

C’est dans la lignée d’une positivité politique de la colère que s’inscrit consciemment Audre Lorde, poète, philosophe et militante noire, qui, dans le texte célèbre pour la pensée féministe « The Uses of Anger: Women Responding to Racism », a montré la nécessité de la colère dans son engagement politique et dans son écriture : « Ma réponse au racisme est la colère […]. Ma peur de la colère ne m’a rien appris[1]. » Lorde insiste sur le fait que la colère est facteur de changement, de progrès social, d’enseignement et participe au mouvement des Lumières. Dans la pensée de Lorde, la colère devient une arme intellectuelle, sociale, artistique et politique.

Or, de même que l’on ne peut penser le politique sans la colère comme moteur de prise de conscience et de ténacité devant l’adversité, il nous est impossible de penser la colère sans aussi songer à sa domestication, aux stratégies imposées à son expression, aux tactiques qui doivent la rendre socialement et politiquement acceptable. La légitimité de la colère dépendrait de sa capacité à se transformer rapidement dans quelque chose qui ne la garde pas intacte, qui la dompte, et qui surtout limite ses manifestations physiques mettant le corps sous son influence. Nous aurions l’idée que toute colère, aussi bonne soit-elle, doit être domptée, traduite pour exister dans la société. La domestication de la colère serait inévitable pour permettre un dialogue social et la colère n’est tolérée que dans la mesure où elle sait se contrôler.

Ainsi tout le travail des femmes pour parvenir à une position plus juste dans un monde parfois bien injuste devrait passer dans un premier temps, très court, par la colère et dans un second temps, bien plus long, par une domestication de celle-ci. Toute femme à l’université, toute féministe où qu’elle soit, quoi qu’elle fasse, sait très bien que la colère qui l’anime doit devenir vite l’âme cachée, voire refoulée de ses gestes. La colère doit se présenter sous la forme d’une maîtrise de soi et à travers un contrôle linguistique et physique. Les femmes dès qu’elles sont en train de prendre une place qu’elles estiment la leur ou qu’elles revendiquent un droit, se font renvoyer à leur bégaiement, leurs tremblements et leurs pathologies…On leur demande de se dépasser et d’aller plus loin que l’expression brute, voire bête de leurs sentiments et impulsions. Combien de fois m’a-t-on prévenue dans le cours de mon travail comme professeure contre l’expressivité trop grande de mon corps, de ma voix, de mon « être au monde »?

Lors d’un colloque universitaire auquel elle participait, Audre Lorde exprima ses sentiments de façon directe et dans la colère. Une femme blanche se leva et lui dit alors : « Dites-moi comment vous vous sentez, mais ne le dites pas violemment ou je ne peux vous entendre[2]. » De même, Lorde raconte que les femmes noires lui reprochent de pleurer trop et de gémir en public (Lorde, 1984, p. 165). Pour moi, ces deux anecdotes que Lorde nous offre au cours de sa réflexion sur le bon usage de la colère pour une penseure féministe montrent que ce n’est pas tant le contenu de la colère ou de l’affect qui dérange, mais bien un type d’expression. Ce qui est reproché à la colère, c’est littéralement le corps qu’elle prend, le visage qu’elle possède, sa manifestation, son incarnation. Ce n’est pas les raisons de la colère qu’on ne veut pas entendre, mais bien plutôt le bruit que la colère fait, son vacarme, son cri. La colère en ce sens est vue comme un acte de violence, parce qu’elle brise le pacte d’un langage qui promet d’être toujours inoffensif. La colère ne parle pas de la colère. Elle fait plus. Elle fait une colère et en cela elle menace. Pourtant, Audre Lorde ajoute aux exemples de sa propre colère ces réflexions qui vont dans le sens d’une manifestation de la colère toujours déjà langage : « Si je vous parle en colère, au moins je vous parle. Je n’ai pas mis un fusil contre votre tête et je ne vous ai pas descendu dans la rue[3]. »

À la suite de Merleau-Ponty, il faut bien voir que la colère, pas plus que la parole, n’est un sentiment intérieur qui s’exprime naturellement. La colère relie culturellement des gens qui l’éprouvent. La colère n’est pas un prélangage. Elle constitue un espace social, un lieu culturel, une façon communautaire de parler. Or, la voir comme une simple inarticulation psychique, comme de l’indicible, de l’inarticulable incontrôlé que le langage peut nommer, dompter, mettre à distance, montre que dans notre monde, ce n’est pas la culture philosophique qui s’oppose à la nature qu’est la colère, mais bien que nous avons affaire à des formes culturelles et politiques qui se disputent des enjeux idéologiques.

La culture et la pensée se donnent comme anesthésie de la colère ou de l’affect trop naturel et imprévisible. Ainsi ce sont les cultures de la colère, des femmes, des Noirs, des pauvres, du minoritaire qui sont rejetées et vues comme prises dans du non-dit, de l’indicible ou encore une théâtralité corporelle incapable d’un métadiscours, d’une prise en charge par un langage désamorcé.

Je prétendrai ici que c’est à un autre type de régime discursif que la pensée féministe fait signe en se réclamant de l’affect ou de la colère. Je veux voir dans la colère une langue, une culture interdite qui est repoussée sous le prétexte de son rapport avec la nature, de son in-civilité, de sa résistance à la « civis »ou à la « polis », au politique tel que nous le connaissons.

Faire passer la colère pour ce qu’elle n’est pas toujours, c’est-à-dire pour un acte physique violent, est la stratégie qu’adopte toute la philosophie envers la colère en lui demandant d’être dans une dialectique de la parole, comme si elle n’était pas déjà code, langage. La colère est un système de signes, qu’on le veuille ou non, un système qui joue sur la limite, qui menace toujours d’un passage à l’acte certes, mais qui se veut le plus souvent un système codé. La langue de la colère existe, elle essaie de formuler quelque chose d’inédit et ne peut en passer donc que par des formes plutôt inusitées, risquées, voire ridicules. Ainsi elle serait toujours fautive et pensée comme bégaiement, balbutiement du langage. Or, ne peut-on pas imaginer une véritable grammaire autre de la colère?

Ce qui nous est inculqué est que c’est toujours sous le visage de la raison, de l’ordre, du bon goût, de la correction linguistique que la colère devrait se montrer, en tout cas publiquement. La colère doit, en quelque sorte, apprendre à ruser avec le social. Or, ce qu’elle tente d’inventer a peut-être besoin de ne pas respecter certaines règles d’usage de la société et de la langue.

N’est-on pas prise très souvent à épargner le monde de sa colère? Selon ces principes, il faudrait « éthiquement » arriver à une colère publique sans affect, une colère froide, propre et souriante. La part animale, terroriste et terrorisante de la colère, toujours menaçant de passer à l’acte, devrait être éradiquée de la pensée.

La colère est souhaitable pour les femmes uniquement quand elle est dirigée contre elles-mêmes, qu’elle permet une dépréciation de leur estime et qu’elle conduit à un blâme envers elles-mêmes, qui serait la preuve d’un début d’intelligence critique, un éveil de la conscience… La découverte de Platon, c’est la portée morale de la vive désapprobation d’un soi en colère, nous dit Peter Sloterdijk : « Celle-ci se manifeste doublement – d’une part dans la honte comme ambiance affective totale qui pénètre le sujet au plus profond de lui-même, d’autre part dans le blâme de soi, teinté de colère qui prend la forme d’un discours intérieur que l’on s’adresse à soi-même[4]. » Ce qui était perçu comme divin devient alors la partie honteuse du social.

En effet, pour les Anciens, la soudaineté de la colère témoignait de son origine supérieure. Celui qui était en colère, le guerrier, pouvait devenir l’instrument du divin. L’éruptivité antique était une garantie de l’élection et de l’inspiration. Les colériques étaient touchés par le dieu et en quelque sorte se voyaient désignés par le divin qu’ils ou elles portaient. C’est précisément cet enthousiasme-là du langage et du corps, le dieu en soi, qui se manifeste dans la colère des femmes que la philosophie a tenu à abolir au profit de la raison, de la honte de soi et de la culpabilité par rapport à ses affects. La division d’un sujet capable de se maîtriser est de mise. Le divin de la colère, la « sainte colère »devient le satanique du social. La vitesse de l’esprit et du geste que confère la colère sera donc proscrite et constituera l’esprit du mal et le féminin.

La maîtrise de soi est devenue le signe d’une virilité infinie et d’une réelle capacité rationnelle à l’action. C’est en fait à la théâtralité de la colère, perçue comme improvisation, impétuosité et féminité que s’en sont pris les philosophes et particulièrement les stoïciens. La colère comme spectacle et contagion immédiate du social est décriée par Sénèque décrivant ainsi le colérique :

Ses yeux s’enflamment, lancent des éclairs; une vive rougeur se répand sur tout le visage, sous laction du sang qui afflue du cœur, les lèvres tremblent, les dents se serrent; les cheveux se dressent et se hérissent; la respiration est gênée et sifflante, les articulations, en se tordant, craquent; aux gémissements, aux rugissements, se mêlent des lambeaux de phrases indistinctes; les mains sentrechoquent sans cesse, les pieds frappent la terre, le corps tout entier est en mouvement et lance des menaces irritées, les traits grimaçants et bouffis sont défigurés et hideux. (Sénèque, 1993, p. 109-110)

Sénèque pense que la colère touche surtout les femmes et les enfants et que si elle atteint certains hommes, c’est que ceux-ci ont le caractère des enfants et des femmes. Je pourrais ici citer des passages beaucoup plus anciens ou encore très contemporains qui décrivent l’hystérie dans les mêmes termes. Il suffit de rappeler que l’expression « fureur utérine »s’utilise pour parler de l’hystérie qui est donc depuis toujours liée à la colère du corps féminin violemment geignard, agressif. C’est donc contre cette théâtralité d’un corps laid, féminin et prompt à la colère, qui va rapidement dans tous les sens, que la philosophie et la pensée se sont fondées. Y aurait-il un féminin laid, qui serait rendu ignoble par la colère, auquel la communauté rationnelle ne veut pas avoir affaire et qui apparaît dans toute colérique? Le féminin doit faire oublier qu’il est capable d’ignominie, de sa « laideur »…Il peut être en colère, mais dans un usage bien tempéré de la révolte et doit gommer toute possible dangerosité. Il doit surtout effacer sa capacité de transformer une femme en gorgone.

La perte du « logos », du discours que serait la colère (comme le veut la comparaison entre le colérique et l’enfant qui ne sait s’exprimer), pour celui et surtout celle qui, comme le décrit Sénèque, gémit et rugit, dont les paroles sont des « lambeaux de phrases indistinctes », joue très certainement un rôle déterminant dans la peur philosophique de la colère. L’éthique de la vérité doit éliminer toute trace de spectacle, du spectacle qu’est le genre féminin et plus largement de la féminité liée à l’animalité.

Nicole Loraux, spécialiste de la Grèce ancienne, montre bien la tentative réussie de l’ordre civique de prendre des mesures pour contrer la menace qu’est l’affect et particulièrement pour elle l’affect féminin qui se manifestait dans le deuil gémissant, parfois hargneux, des femmes. La cité de Kéos, au Ve siècle, limita le deuil lui-même, obligea les femmes à partir avant les hommes de la cérémonie funéraire, à se taire et à porter le mort en silence. Les femmes en deuil constituaient dans l’analyse de Loraux une communauté perçue comme un véritable danger social. Elles apportaient le « pathos », le « pathétique » et le « pathologique », et lançaient un appel dangereux à la colère vengeresse. Il fallait donc les empêcher de perturber l’ordre social.

C’est la spontanéité de la colère qui est alors décriée, la rage comme réponse immédiate, comme dépense folle, comme perte dans une situation intolérable. L’hystérique réagit trop vite et trop, ou encore s’immobilise de façon hiératique dans certaines anesthésies ou paralysies. Pour rien. En pure perte. Elle est toujours mouvement opposé au flux général et elle n’atteint pas, pourrais-je écrire ironiquement, la vitesse idéale de la pensée du philosophe.

Pour toute la philosophie et son sillage misogyne, le féminin devient porteur de ce qui sera perçu comme hors de contrôle, colérique, hystérique et surtout pris dans l’affect. Là, les tourments de la spontanéité se déchaînent sans loi. Le courage civique et individuel sera alors pensé dans la perspective de l’attente stratégique, de la capacité à calculer, à prendre du recul, dans une prohibition de la spontanéité et de la rapidité des actions. Le philosophe sera un manipulateur de son affect qui repoussera en lui toute féminité et surtout toute promptitude.

Si la colère est vue par la philosophie comme pré philosophique, il semble y avoir un besoin pour les femmes artistes et les penseures de se réapproprier ce lieu vécu comme ante-social et antisocial et de le proposer comme projet politique postphilosophique. C’est le travail qui a été amorcé par Monique Wittig dans ses Guérillères ou encore Louky Bersianik, au Québec, dans Le Pique-nique sur lAcropole. C’est encore toute l’œuvre de Josée Yvon. En fait, dans les années 1970, les féministes se sont réclamées des héroïnes vues comme archaïques, et particulièrement des furies tragiques, et ont tenté d’habiter la colère et le hurlement, afin d’y voir une grande portée politique et esthétique.

Dans les années 1970, aux États-Unis, à Washington D.C., un collectif de femmes qui comprenait Ginny Berson, Joan Biren, Rita Mae Brown, Charlotte Bunch, fonda un journal lesbien séparatiste basé sur la colère : « Parce que nous sommes en colère, nous sommes en colère parce que nous sommes opprimées par la suprématie mâle[5]. »« Nous prenons le nom de Furies, Déesses de la vengeance et protectrices des femmes[6]. »

Si en ce moment, dans beaucoup de revendications féministes, il y a une affirmation de la colère et une présence de stratégies qui ne sont pas seulement de l’ordre de la domestication de la rage, il faut s’attendre à une nouvelle condamnation systématique de la colère. Or, il faut se garder de proscrire aveuglément toute colère, qui reste avant tout, il ne faut pas l’oublier, un langage. On a beaucoup reproché à l’écrivaine et cinéaste Virginie Despentes, par exemple, d’écrire mal, dans un langage peu articulé et de mettre en scène des femmes violentes physiquement parce qu’en colère, oubliant que Despentes travaille en littérature, dans le domaine de la fiction et qu’elle n’est pas elle-même terroriste et encore moins une meurtrière. Son travail sur la langue de la colère demande une invention qui est loin d’être de la maladresse.

Les formes de la colère peuvent paraître maladroites, inadéquates, condamnables et ridiculisées pour l’ordre social, mais il me semble qu’il est temps d’interpréter le langage de la colère avant de le repousser. Le moment est venu de voir comment nombreuses de ces manifestations légitimes de la colère participent au pacte social et demandent au monde de se transformer pacifiquement, à travers un véritable usage de la liberté d’expression et de l’inventivité du langage, de l’art et de la philosophie.

Bibliographie

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Bersianik, Louky (1992). Le Pique-nique sur lAcropole, Typo.

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Memmi, Albert (2002) [1957]. Portrait du colonisé, Gallimard, « Folio actuel ».

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[1] « My response to racism is anger […]. My fear of anger taught me nothing. Your fear of that anger will teach you nothing also. » (Lorde, 1984, p. 124)

[2] « Tell me how you feel but don’t say it harshly or I cannot hear you. »(Lorde, 1984, p. 125)

[3] « If I speak to you in anger, at least I have spoken to you: I have not put a gun to your head and shot you down in the street. » (Lorde, 1984, p. 130)

[4] Sloterdijk, 2007, p. 38.

[5] « Because we are angry, we are angry because we are oppressed by male supremacy.»(Myron, Nancy et Charlotte Bunch, 1973, p. 17)

[6] « We take the name the Furies, Goddesses of vengeance and protectors of women » (Myron, Nancy et Charlotte Bunch, 1973, p. 19)