L’amour de la science et de la bouffe : entrevue avec La Foodie scientifique, Anne-Marie Desbiens

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Julie Veillet

Vous vous êtes toujours demandé pourquoi les pommes brunissent et comment le contrer? Ou encore, mais d’où viennent les dates d’expiration? Ou bien, est-ce que le fait d’ajouter du sel à l’eau des pâtes diminue le temps de cuisson? Pour toutes ces questions, et bien plus encore, La Foodie scientifique a une réponse pour vous! Et pas une réponse du genre forum de santé plus ou moins fiable où chacun donne sa théorie personnelle sur le phénomène, non, des réponses scientifiques, documentées et fouillées. Françoise Stéréo s’est entretenu avec la scientifique derrière le blogue, Anne-Marie Desbiens.

D’aussi loin qu’elle se souvienne, Anne-Marie Desbiens a toujours été passionnée par plusieurs choses en même temps. Son intérêt à la fois pour les sciences et pour les arts la pousse à s’inscrire en sciences, lettres et arts au cégep, afin de se garder comme on dit « toutes les portes ouvertes ». Avoir toutes les portes ouvertes, c’est aussi avoir beaucoup (trop) d’options. Lorsqu’elle est sur le point de finir son cégep, elle a, comme plusieurs à cette étape de leur vie, énormément de difficulté à trouver son programme universitaire. Suivent alors plusieurs séances avec l’orienteur du cégep. « On a réalisé que j’aimais beaucoup ce qui concerne l’alimentation, faire la cuisine, mais j’aimais aussi la science, le fait de créer des choses. On a donc réfléchi pour trouver une science créative, qui alliait mes passions. On a parlé de ça pendant assez longtemps, pendant plusieurs séances, et c’est seulement vers la fin qu’il a allumé et qu’il m’a dit que sa sœur avait étudié dans un programme vraiment peu connu, en sciences et technologies des aliments. » Anne-Marie se renseigne sur ce programme, qui se donne seulement à l’Université Laval et à McGill, et réalise qu’il offre en effet à la fois un côté scientifique et un côté créatif. Bingo! Elle s’inscrit donc au baccalauréat en sciences et technologies des aliments, formation qu’elle termine quatre ans plus tard.

Après quelques stages en entreprise au courant de ses études qui lui confirment qu’elle est bel et bien dans son domaine, Anne-Marie commence à travailler dans une usine à Saint-Hyacinthe, la firme Biena, qui crée des probiotiques. Elle travaille en laboratoire comme responsable contrôle qualité, et voit du même coup ce que représente le travail en usine. « Une femme en science, c’est moins difficile qu’une femme dans une usine. Dans les laboratoires, ça commence à être plus facile pour les femmes, mais dans les usines, c’est autre chose. » Il faut dire aussi que le programme sciences et technologies des aliments est un des domaines scientifiques les plus féminins. « À l’université, on était 90 % de femmes dans mes cours environ. »

Souhaitant se perfectionner et accéder à d’autres postes impliquant plus de responsabilités, elle entreprend en 2013 un MBA en gestion d’entreprises afin d’acquérir des compétences en gestion. Avec déjà un petit bonhomme à la maison et l’idée d’en avoir un deuxième bientôt, Anne-Marie prend la décision de quitter son travail pour se concentrer à temps plein sur sa maîtrise. « Je me disais que je n’y arriverais jamais sinon! » Elle tombe effectivement enceinte peu de temps après, ce qui lui permet « de rentabiliser » cette période où elle ne travaille pas. « Quand t’es une femme et que t’as un poste de cadre, puis que tu pars en congé de maternité, c’est un plus gros casse-tête pour te remplacer. Alors, ton employeur ne saute pas de joie. Il faut comme que tu planifies ça si tu veux garder ta place. » Il lui est déjà arrivé, lors d’un processus d’entrevue pour une multinationale, de se faire demander par le directeur si elle pouvait lui promettre de ne pas tomber enceinte pour les cinq prochaines années! Ce à quoi elle a évidemment répondu non. Devinez quoi? Ils ont finalement choisi le candidat masculin.

Et La Foodie scientifique, c’est né comment? Durant son deuxième congé de maternité, bien qu’elle apprécie beaucoup le temps qu’elle a pour s’occuper de son enfant, la mordue de science, et « un peu workaholic », qu’elle est a de la difficulté à rester en place. Elle se met alors à réfléchir à un projet personnel qu’elle pourrait développer et qui lui permettrait de relever de nouveaux défis. « Je me suis dit, ce que j’aime, c’est la science, c’est faire des dessins. J’ai eu cette idée-là de blogue en lisant un article de Forbes. J’avais fait une concentration Web à la maîtrise, alors je savais déjà comment bâtir un site Web et gérer les réseaux sociaux. » Un projet qui allie la science, la bouffe et les arts? Eh bien voilà! La Foodie scientifique est née. Elle crée son site en deux semaines environ, puis commence à écrire quelques articles, qu’elle illustre elle-même. Satisfaite de ses premiers essais, elle lance officiellement La Foodie scientifique sur les réseaux sociaux au mois de mai dernier. Pour trouver les idées de ses articles, elle s’inspire de l’actualité, comme lorsqu’elle a écrit son texte sur le lait diafiltré, et des questions que les gens lui posent. Son blogue, qui vise à « vulgariser de façon conviviale la science derrière les aliments », aborde une foule de sujets et de mythes liés à la bouffe et répond à des questions toutes simples que chacun de nous se pose dans sa cuisine à un moment ou un autre (moi, ça m’arrive constamment). La Foodie scientifique obtient un très bel accueil et on commence à en parler dans les médias et sur d’autres plateformes qui s’intéressent à la science, aux aliments, ou aux deux. Le blogue retient même l’attention de l’équipe du  Pharmachien, qui demande à Anne-Marie de collaborer à l’émission pour parler de la transformation des fruits et légumes en jus (à voir dans une télé près de chez vous très bientôt).

Et pour la suite? Anne-Marie ne sait pas trop encore. Elle souhaite évidemment poursuivre le blogue et aimerait peut-être tenter sa chance du côté des médias. Elle reçoit déjà des offres; elle a d’ailleurs commencé une collaboration avec le site d’inspirations culinaires Fraîchement pressé. Elle songe aussi à retourner travailler en entreprise comme gestionnaire, ce pourquoi elle a fait sa maîtrise. Elle aimerait bien pouvoir concilier les deux, un emploi dans le domaine scientifique et son blogue, mais la rédaction de ses articles lui prend beaucoup de temps (environ 12 heures de recherche, de rédaction et d’illustration pour chaque article) et elle ne sait pas si elle pourra être aussi active sur son blogue avec un travail à temps plein et deux jeunes enfants. Elle prend donc le temps d’analyser toutes ses possibilités et de voir les opportunités qui s’offrent à elle avant de se lancer dans de nouveaux projets. Pour l’instant, toutes les portes sont ouvertes comme on dit!

Pour découvrir le blogue La Foodie scientifique : https://lafoodiescientifique.com/

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