La grève des stages est une grève des femmes

AMÉLIE POIRIER et

CAMILLE TREMBLAY-FOURNIER

Illustration: Anne-Christine Guy

 

La grève des femmes est dans l’air du temps. En Pologne, le 2 octobre dernier, des femmes se sont mises en grève pour le droit à l’avortement. Le 19 octobre, c’était au tour des Argentines : une grève (paro de mujeres) d’une heure pour dénoncer le viol et le meurtre de Lucia Perez, 16 ans, ainsi que la banalisation par les médias de ce crime haineux [1]. Dans un communiqué du mouvement Ni Una Menos (Pas une de moins [2]), on peut lire : « Derrière la hausse et la cruauté de la violence contre les femmes, il y a une question économique. Le manque d’autonomie des femmes nous laisse sans défense à l’heure de dire non et nous transforme en cibles faciles et corps “pas chers” pour les trafiquants en tout genre. » Quelques jours plus tard, en Islande, puis en France, des femmes ont massivement quitté leur poste de travail à la minute précise à laquelle elles ont travaillé le même nombre de jours ouvrés qu’un homme à salaire égal [3]. Encore tout récemment, un appel international à la grève des femmes a été lancé lors du 8 mars pour dénoncer les diverses formes de violences vécues par les femmes et pour rendre visible l’étendue du travail des femmes [4].

Ces mouvements ont tous en commun de montrer le rapport direct entre l’oppression des femmes et l’exploitation de leur travail de reproduction. Partout, les femmes sont précaires parce qu’une importante partie des tâches qu’elles réalisent n’est pas payée, leurs principales fonctions n’étant pas reconnues comme du travail. Partout, le temps des femmes et leur corps sont appropriés de diverses façons afin d’en exploiter gratuitement le travail. La grève des femmes confronte ainsi directement la prétendue séparation entre le travail productif, qui mérite salaire, et le travail reproductif, qui n’en mérite pas, séparation sur laquelle repose la division sexuelle du travail. De la gratuité du travail ménager à la gratuité des services sexuels, l’appropriation du corps et du temps des femmes [5] et la non-reconnaissance de ce qu’elles produisent les placent dans une situation de grande vulnérabilité vis-à-vis des boss, des parents, des chums, des professeurs [6].

La grève menée à l’automne 2016 par les étudiantes en psychologie pour réclamer la rémunération de leur internat n’est pas étrangère à ces mouvements. Elle remet en question cette conception du travail étudiant comme étant réalisé gratuitement, avec pour seule reconnaissance concrète des crédits académiques et des notes, conception qui ne permet pas de répondre à cette simple question : pourquoi y a-t-il des stages qui sont payés alors que d’autres ne le sont pas? Au Québec, comme à peu près partout, aucune loi n’oblige les employeurs à verser le salaire minimum aux stagiaires, puisque leur travail est rétribué par une reconnaissance académique. Pourtant, dans certaines circonstances, la valeur de ce travail de formation est bel et bien reconnue et rémunérée. C’est notamment le cas pour les stages effectués dans des domaines traditionnellement masculins tels que l’ingénierie, l’informatique et la médecine. On constate ainsi une séparation évidente entre les stagiaires sans salaire et les autres, les premières s’inscrivant dans les secteurs d’emploi traditionnellement féminins. L’explication selon laquelle la rétribution des stages s’effectue par des crédits et des notes comporte donc un angle mort que seule une critique féministe peut rendre visible.

La première thèse que nous défendrons est que la coexistence de stages rémunérés et non rémunérés est fondée sur la division sexuelle du travail et qu’elle reconduit la fausse distinction entre le travail productif [7] et le travail reproductif. Ce dernier est défini comme un « travail qui consiste à fournir à la société des gens qui peuvent fonctionner jour après jour, soit produire, reproduire, renouveler et restaurer la force de travail des individus ». Cette perspective est contraire à l’idée selon laquelle les stages ne sont pas payés parce qu’ils représentent avant tout une formation personnelle, un investissement pour soi. Le travail effectué par les stagiaires des domaines traditionnellement féminins constitue plutôt un travail de reproduction de la main-d’œuvre (force de travail) non reconnu formellement, car impayé. Ce travail n’est donc pas à côté ou indépendant du capitalisme, mais bien au cœur de son fonctionnement. Mais alors, si les stages constituent du travail et méritent salaire, qu’en est-il de la formation étudiante régulière, à l’intérieur de l’université, du cégep ou de l’école professionnelle?

Les études, comme le travail ménager (re)produisent la marchandise qui se situe au fondement même du capitalisme : la force de travail [8]. Suivant cette perspective, il appert que du primaire à l’université, les étudiant.es acquièrent des connaissances, des compétences et des savoir-faire standardisés, afin de servir au renouvellement des travailleuses et des travailleurs sur le marché du travail selon les savoirs à jour. Ces acquisitions ne se font pas passivement : elles requièrent du travail de la part des étudiant.es, et pas seulement des profs. La seconde thèse défendue ici est que la notion de travail de reproduction peut être étendue aux études, et que la non-rémunération des études repose, elle aussi, sur cette prétendue division entre le travail productif [9] et le travail reproductif [10], incarnée ici dans l’opposition professeur.es-étudiant.es. Cette thèse implique un usage hétérodoxe d’une analyse généralement réservée à la division sexuelle du travail, mais elle permet de mieux comprendre les rapports entre la personne qui enseigne et la personne qui étudie, rapport social fondamental au sein de l’école. Nous nous permettons cette souplesse en prenant en considération l’autre dimension du rapport patriarcal au sein de la famille, soit la domination des parents sur les enfants, que nous transposons au rapport professeur.es-étudiant.es. En effet, comme Maria Dalla Costa et Selma James le font remarquer, lorsque les femmes effectuent un travail de soins, ce dernier est compris comme un service personnel, en dehors du capital, alors que quand les enfants travaillent, leur travail est associé à un apprentissage pour leur propre bénéfice [11].

Questionner la division capitaliste et patriarcale entre salarié.es (enseignant.es) et non salarié.es (étudiant.es) nous permet de nous engager dans une lutte pour détruire progressivement les rôles sociaux qui permettent le maintien de cette hiérarchie sur le grand continuum du travail gratuit. Ce questionnement ouvre la possibilité de politiser l’école en discutant plus largement de la reconnaissance du travail étudiant dans une perspective fondamentalement féministe.

À LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU

En 2015, des instigatrices de la campagne internationale Du salaire au travail ménager étaient de passage à Montréal pour discuter de ce qu’elles considèrent comme la grande occasion perdue du mouvement féministe [12]. Elles ont critiqué le choix généralisé des militantes féministes occidentales des années 1970 d’avoir préconisé une stratégie d’émancipation misant sur la reconnaissance de l’égalité des femmes par l’accès à un travail salarié plutôt que sur la reconnaissance du travail ménager, qu’elles effectuaient déjà gratuitement. La gratuité du travail est souvent justifiée par la difficulté à le quantifier, puisqu’il serait accompli par vocation, par dévouement, par affection, par filiation, par solidarité. Or, il n’a ni prix ni limite précisément parce qu’il n’est pas reconnu comme tel; la patience, l’écoute, la douceur, le sourire sont toutes des tâches invisibilisées du travail des femmes puisqu’elles sont définies en termes de caractère, d’attitude, de qualités naturelles intrinsèques. La campagne internationale mettait de l’avant l’importance de lutter pour que le travail des femmes soit rémunéré et pour que l’on mette ainsi fin à l’association entre femmes et travail gratuit, ce qui aurait par le fait même exacerbé les contradictions du capitalisme.

L’histoire semble leur donner raison. Sur le marché du travail, une partie du travail féminisée n’est toujours pas rémunérée, ce qui se solde par un salaire moindre pour des compétences équivalentes à celles requises pour occuper une fonction traditionnellement masculine. Nous partageons ici l’idée de Guillaumin selon laquelle le travail du care n’est pas moins payé : il ne l’est jamais, hormis lorsqu’il est soumis au rapport salarial plutôt que patriarcal [13]. En d’autres mots, c’est la part des tâches de care, de reproduction, qui est non comptabilisé dans la paie, et ce, même si elle occupe une partie importante du temps professionnel des femmes. Encore aujourd’hui, les professions de travailleuses sociales, d’enseignantes, d’éducatrices à l’enfance, d’ergothérapeutes, de sexologues, d’infirmières et de sages-femmes, entre autres [14], sont associées au don de soi et à une propension présumée naturelle des femmes à éduquer et à soigner.

Cette logique s’applique également au moment de la formation scolaire. La non-rémunération des stages dans les domaines de travail traditionnellement féminins est un exemple actuel de la non-reconnaissance du travail reproductif. En Ontario, environ 73 % des postes de stagiaires payé.es sous le salaire minimum ou non rémunéré.es sont occupés par des femmes, et cette proportion monte à 77 % pour les stages non rémunérés aux États-Unis [15]. Cela n’a rien d’anodin : la gratuité du travail accompli lors de ces stages témoigne de la persistance de la hiérarchisation entre le travail productif « d’hommes », donc rémunéré, et le travail reproductif gratuit « de femmes » [16]. Contre l’idée répandue selon laquelle les stages ne sont pas payés parce qu’ils constituent une formation personnelle, nous affirmons que c’est plutôt en raison de la division sexuelle du travail, qui repose sur la séparation entre le travail dit productif [17] et celui dit reproductif. Comment pourrait-on expliquer, sinon, que les stages en génie ou en informatique soient presque tous rémunérés, alors que ceux en enseignement ou en soins infirmiers ne le sont pratiquement jamais [18]? Si ce n’est pas la formation qui est le critère de séparation entre les étudiant.es salarié.es et les autres, que reste-t-il comme justification? L’engagement dans une formation en génie mécanique dépasserait-il l’investissement personnel d’une étudiante en enseignement primaire? Ou encore, comme l’ont fait valoir les internes de psychologie en grève, le temps des futurs médecins passé en internat vaut-il davantage que celui des apprenties psychologues? Nul doute que les stages non rémunérés ont surtout en commun de correspondre à des domaines de travail associés aux soins et à l’entretien des êtres humains, réalisés historiquement par une majorité de femmes. Le stage sans salaire représente alors un entraînement capitaliste à l’exploitation totale du temps des femmes.

Mais pourquoi rémunérer des stages dans un domaine où le travail a toujours été réalisé gratuitement, se demandent les sceptiques? D’abord, parce que l’exploitation n’est pas une vocation. Puis, parce que ce n’est pas seulement le vol de temps de travail des stagiaires qui est en jeu, mais aussi la non-application des normes du travail, l’absence de sécurité du revenu ainsi que l’inadmissibilité au chômage et au congé de maternité en période de stage. Ultimement, la non-reconnaissance du travail reproductif permet de perpétuer l’exploitation des femmes les plus vulnérables et une plus faible rétribution des domaines de travail traditionnellement féminins [19].

Pourtant, être sans salaire, comme les stagiaires, ne signifie pas nécessairement être en dehors du rapport salarial capitaliste [20]. C’est en fait y être soumis entièrement, mais en n’ayant aucune prise sur les conditions dans lesquelles ce travail s’exerce. Ainsi, les personnes non salariées sont dans une relation de dépendance vis-à-vis des personnes salariées. À ce titre, les ménagères et les étudiant.es ne sont pas les seules personnes non payées ou mal payées qui accomplissent un travail nécessaire au fonctionnement du système capitaliste; les populations (néo)colonisées, les personnes racisées, celles au chômage, à l’aide sociale et les personnes incarcérées en sont d’autres [21]. Il apparaît ainsi qu’à la hiérarchie des salaires correspond une hiérarchie des sexes, des races et des âges [22].

Il est ainsi difficile d’imaginer ce que pourrait rendre possible une grève générale des stagiaires menée dans une perspective féministe tellement les rapports sociaux entre les sexes pourraient en être affectés, et ce, non seulement au sein de l’école, mais aussi au sein de la famille. Le travail gratuit se déroule en effet à la fois en amont, autour et à l’intérieur de l’école [23], autant pour celles qui y travaillent, qui y enseignent et qui y étudient que pour celles qui préparent les élèves à être en classe. Il s’agit d’un élément d’analyse original, car selon Louise Toupin, qui a retracé l’histoire de la campagne Du salaire au travail ménager, « personne n’a encore jusqu’alors perçu, la gauche incluse, la complexité de l’exploitation des femmes inhérente à l’institution scolaire, parce que personne ne part du travail ménager effectué à la maison pour l’expliquer » [24]. Ainsi, la famille comme l’école sont des lieux interdépendants, et c’est l’école qui rythme le temps du travail ménager. Par exemple, pour les parents étudiants, la conciliation travail-famille n’existe pas. On ne concilie pas un stage à temps plein, les travaux scolaires, les soins des enfants ou des personnes à charge et un emploi rémunéré pour payer les frais de scolarité, le loyer et la bouffe; on les comprime. Mais assurément, il faudrait que cette grève des stages dépasse la simple stratégie de revalorisation des emplois traditionnellement féminins, et qu’elle exige que soit pris en compte le travail effectué gratuitement dans la somme du travail rémunéré [25]. Comme le suggérait Silvia Federici lors de sa visite à Montréal, pour être vraiment subversif, le mouvement féministe doit s’efforcer de développer une mobilisation féministe qui forcerait l’État à payer pour l’ensemble du travail de reproduction, ce qui inclut les services sexuels et le travail domestique, pour renouveler une solidarité entre les femmes [26].

 

LE TEMPS IMPAYÉ NE REVIENT PLUS

 Ainsi, le travail accompli par les stagiaires constitue la pointe visible du travail étudiant puisqu’il est généralement effectué à l’extérieur de l’école : dans des entreprises, des appareils publics et des organismes communautaires. Mais à partir du moment où on reconnaît que les stages sont impayés parce qu’ils correspondent à des secteurs d’emplois traditionnellement féminins, et non parce que les stagiaires sont en processus de formation, il est difficile de continuer à justifier la gratuité de l’ensemble du travail exécuté durant les études, sur les bancs d’école et à la maison.

On renverse donc ici l’idée répandue que les études constituent d’abord et avant tout un cheminement personnel vers une émancipation, un investissement qui profiterait surtout aux étudiant.es [27]. Qu’on le veuille ou non, aujourd’hui, faire des études postsecondaires relève davantage d’une exigence sociale que d’une préférence individuelle, car plus des deux tiers des emplois sur le marché exigent un diplôme d’études postsecondaires [28]. De plus, si les motivations réelles à fréquenter l’école étaient complètement détachées des opportunités d’emploi qu’elle permet, plusieurs autres possibilités d’apprentissage la remplaceraient, les contraintes financières et évaluatives en moins. Bien entendu, il existe des cours et des programmes d’études qui, a priori, paraissent aller à contre-courant de ce que la majorité des gens considèrent comme socialement utile, comme les cours de littérature et de philosophie au cégep et les programmes d’arts et lettres par exemple. Force est cependant d’admettre qu’une certaine pensée critique et une culture générale sont plus que jamais valorisées sur le marché de l’emploi. En effet, les cursus scolaires, en philosophie et en arts comme en gestion, sont pensés pour développer chez les étudiant.es des compétences prêtes à être mises au profit des milieux de travail. Il y a belle lurette, le système québécois d’éducation public, érigé dans la foulée du rapport Parent et de ses suites (cégeps, réseau des universités du Québec), a été conçu pour s’arrimer aux changements technologiques et au développement industriel. L’école fait ainsi partie de ces institutions ou appareils qui donnent de la valeur aux individus en tant que travailleurs.euses, en leur donnant des compétences et la reconnaissance institutionnelle de celles-ci. Cette valeur est mesurable par le salaire accordé aux diplômé.es en comparaison à celui versé aux non-diplômé.es. Mais le travail nécessaire à la formation n’est pas qu’extérieur à l’étudiant.e : le gros du travail est fourni par la personne en apprentissage. Elle produit elle-même des marchandises ou des services qui sont vendus sur le marché ou fournis par l’État, dans les stages et les publications scientifiques ou des projets scolaires notamment [29].

C’est ici que réside l’aliénation du travail étudiant que masque la non-rémunération de celui-ci : le travail est exécuté au cours des études dans le but de faire de soi une éventuelle marchandise-force de travail, et donc en vue de se voir verser un salaire dans le futur. C’est un peu comme le travail des ménagères qui profite aux maris, mais surtout aux employeurs, qui bénéficient du travail gratuit des femmes rendant, jour après jour, les hommes frais et dispos pour le travail. Or, l’employeur ne paie qu’un seul salaire pour le travail de deux personnes. La situation est similaire avec les études, à la différence que l’intermédiaire entre le travail gratuit et le marché du travail n’est pas le mari, à travers la famille, mais plutôt les professeurs, qui enseignent à l’école.

Nous nous permettons ainsi d’avancer l’argument selon lequel les études ne sont pas payées du fait de la division du travail entre professeur.es et étudiant.es, une division basée sur la distinction entre travail de production et de reproduction. En ce sens, on comprend que le travail intellectuel des enseignant.es est reconnu comme du travail, puisqu’il est payé, alors que celui des étudiant.es ne l’est pas. La reconnaissance des études comme travail permet ainsi de mettre en lumière le dynamisme du processus d’apprentissage : les étudiant.es ne sont pas des cruches vides qui se remplissent sans effort [30]. Le travail étudiant n’apparaît pas naturellement ni à coup de baguette magique : il est le résultat d’une activité, qui peut se voir appropriée par d’autres personnes, comme les enseignant.es, les administrations et les milieux de travail. Les échanges entre les étudiant.es, dans la réalisation d’un travail commun par exemple, de même que les échanges entre enseignant.es et étudiant.es participent à la production de valeur, et ce, pour toutes les parties.

Il est d’ailleurs paradoxal qu’une large partie du temps de travail des enseignant.es, dont la tâche consiste à augmenter la valeur de la force de travail des étudiant.es, soit rémunérée, alors que le temps de travail des étudiant.es ne l’est pas. Pourtant, le temps de travail nécessaire aux étudiant.es pour apprendre est aussi du temps de travail dépensé pour faire augmenter la valeur de leur future force de travail. Contrairement à toute autre marchandise sans vie, par exemple une table, les étudiant.es peuvent, et doivent, investir du temps de travail pour produire les valeurs d’usage et d’échange de leur propre force de travail. Cette valeur produite par le travail étudiant est à la fois une valeur d’usage, par exemple les connaissances et compétences, et une valeur d’échange, par exemple un diplôme faisant augmenter la valeur monétaire d’une personne sur le marché du travail.

Il existe d’ailleurs des contextes où la formation scolaire est payée. C’est le cas pour certains stages, comme nous l’avons déjà mentionné, mais aussi pour les heures de formation exigées par les employeurs pour mettre à jour les connaissances de leur main-d’œuvre salariée. Les Forces armées canadiennes, qui paient les études de leurs membres en plus de leur verser un salaire, constituent un autre exemple [31]. Il y a des étudiant.es de tous âges en formation continue au cégep qui reçoivent une allocation financière par séance de cours de la part d’Emploi Québec pour compléter un programme d’études. Dans les prisons québécoises, les personnes incarcérées peuvent recevoir un « don » pour étudier (environ 3 $ par séance) et pour des activités d’entretien de l’institution carcérale. Ces activités sont considérées par le ministère de la Sécurité publique comme une formation pour soi, facilitant la réinsertion sociale. C’est aussi le cas d’un grand nombre d’étudiant.es universitaires qui réalisent différents contrats et sont rétribués sous forme de bourses. De manière générale, on observe une réticence des administrations scolaires et du gouvernement à attribuer un salaire, ce qui associerait logiquement la formation scolaire à un véritable travail; on préfère verser des bourses. Dans ces circonstances, l’absence de salaire officiel permet de justifier la non-application des lois régissant le travail, créant une situation n’offrant aucune protection en cas d’accident ou d’abus de la part des enseignant.es [32]. À l’automne 2016, la même logique a été déployée dans le rapport Granger, où des pistes de solutions ont été proposées pour le dénouement de la grève des internats en psychologie. C’est ainsi que sans surprise, Luc Granger, ancien président de l’Ordre des psychologues du Québec, suggérait de verser aux stagiaires une bourse plutôt qu’un salaire, par crainte explicite de syndicalisation et d’application des normes du travail [33]. Et, le système de bourses d’études et de l’Aide financière aux études (AFE) constituent aussi des moyens de reconnaissance de l’importance des études, mais non du travail étudiant en soi. En effet, les bourses ne sont pas attribuées systématiquement à toutes et à tous et elles renforcent le statut de bénéficiaires des étudiant.es, en opposition à celui des travailleur.euses [34].

 

PLUS QU’UN SALAIRE AU TRAVAIL ÉTUDIANT

La revendication d’un salaire étudiant est une stratégie politique qui vise à permettre aux étudiant.es d’avoir une réelle emprise sur leurs conditions d’études. En effet, l’attribution d’un salaire supprimerait l’aspect normal de l’exploitation du travail étudiant et, du même coup, permettrait de politiser les conditions dans lesquelles il est effectué. C’est ici que réside tout le potentiel subversif d’une telle revendication : les étudiant.es ne pourraient plus être laissé.es de côté par rapport au contenu des enseignements et à la manière dont il est enseigné, aux modes d’évaluation, à la valorisation des productions étudiantes et à la définition des paramètres d’utilisation de celles-ci [35]. D’un rapport « maître-élève », on passerait à un rapport entre collègues. Le salaire permettrait ainsi de modifier le rapport d’autorité entre enseignant.es et étudiant.es, notamment en ce qui a trait au harcèlement sexuel et psychologique. Sans éliminer la possibilité de violences, la stratégie de la reconnaissance du statut de travailleur.euse étudiant.e permettrait une prise de contrôle sur le milieu de travail pour s’organiser contre ces abus.

En effet, c’est entre autres dans le rapport hiérarchique prof-élèves, au cœur de la structure de l’école, que repose la reproduction des violences, véritable face cachée de l’exploitation du travail étudiant. Si le temps de travail étudiant est accaparé par l’école et le lieu de stage et que l’obtention de bourses ou de contrats repose sur le pouvoir discrétionnaire des enseignant.es, comment peut-on s’imaginer répondre politiquement et de manière efficace à l’appropriation des corps étudiants? Car comme nous l’avons soulevé précédemment, les stages crédités et évalués ainsi que les autres activités d’apprentissage ne sont pas couverts par les normes du travail, qui sont elles-mêmes déjà loin d’être suffisantes pour protéger la dignité et l’intégrité des travailleuses et travailleurs. Aux étudiantes qui seraient mal tombées, on réplique que c’est à elles de faire des concessions, que le monde du travail est sans pitié et qu’il vaut mieux s’y préparer dès maintenant. De manière générale, les abus perpétrés dans le cadre de la formation scolaire sont banalisés, ce qui laisse libre cours à des situations de racisme, de sexisme, de harcèlement et de violences psychologique et sexuelle. L’État et les administrations scolaires se trouvent donc à légitimer le rapport de pouvoir inhérent à l’école, basé sur le travail non payé, et en cas de violence, à assurer l’impunité des agresseurs. D’ailleurs, selon une enquête réalisée sur six campus québécois en 2016, une personne sur trois a été victime de violence sexuelle depuis son arrivée à l’université; 36 % des répondant.es disent n’en avoir jamais parlé à autrui et la grande majorité n’a pas porté plainte [36]. Lors d’un rassemblement pour la reconnaissance du travail étudiant au Square-Victoria à Montréal, une stagiaire en éducation témoignait de son expérience :

On se retrouve dans une situation où toute notre personne (nos cheveux, vêtements, sourire, attitude, posture, diction…) est évaluée en tout temps. On nous explique que ce n’est pas le temps de remettre en question les pratiques des maîtres associés : la crainte de l’échec nous contraint à adopter une posture complaisante. La rémunération en stage permettrait de modifier le rapport de pouvoir entre enseignante associée et stagiaire [37].

Ainsi, à la manière d’un « bon père de famille », c’est à l’administration des écoles que revient le rôle de discipliner le travail gratuit par la menace, puisque le contrôle des conditions d’études des étudiant.es lui est concédé par l’État. L’attribution d’un salaire pour les stages et pour l’ensemble du travail étudiant permettrait d’aborder l’enjeu des violences vécues entre les étudiant.es et le personnel salarié, et elle favoriserait aussi l’organisation contre la répression politique. Prenons l’exemple des expulsions politiques qui ont eu lieu au printemps 2015 à l’UQAM et qui ont mené à la mise en place d’un Comité de discipline. C’est d’abord en considérant les étudiant.es comme des travailleurs.euses qu’on peut penser réussir à se débarrasser du rapport clientéliste ou d’assistanat qui permet plus facilement à l’université d’expulser et de filtrer les individus qui paieront (trop cher) leur privilège d’y étudier. C’est entre autres, mais pas seulement, l’absence de reconnaissance concrète (salaire et conditions de travail convenables) qui renforce la soumission des étudiant.es au pouvoir discrétionnaire de l’école.

 

IL N’Y A PLUS DE TEMPS À PERDRE

 L’intervention des militantes de la campagne Du salaire au travail ménager, au sujet des erreurs des groupes féministes des années 1970, fait réfléchir quant à la décision du mouvement étudiant québécois de ne pas revendiquer sérieusement – ou encore très récemment et timidement – la rémunération de tous les stages. Souvent, les étudiant.es ont fait la grève pour de meilleures conditions d‘études, mais presque toujours en excluant les stagiaires de leurs calculs stratégiques [38]. Pourtant, en utilisant le temps impayé comme moyen de pression, une grève des stages a des potentialités subversives énormes quant aux rapports de pouvoir entre les sexes, et pas seulement sur le terrain de l’éducation.

Nous pensons donc que la grève des stages, envisagée comme une grève menée majoritairement par des femmes, contre la réduction historique de leur travail à une activité sans valeur productive, a le potentiel de révéler les contradictions des systèmes capitaliste et patriarcal, en permettant d’aborder de front l’impensé des stages non payés dans les emplois traditionnellement ou majoritairement féminins. Nous avons tenté de déconstruire l’idée selon laquelle le temps passé en stage serait généralement impayé parce qu’il constituerait une activité de formation pour soi, un investissement personnel. En effet, nous avons montré que le choix de ne pas rémunérer des stagiaires repose plutôt sur la division sexuelle du travail, aux origines de la séparation entre les occupations considérées comme productives ou reproductives. Nous avons tenté de démontrer que si les stages constituent la partie visible de la formation et méritent salaire, c’est l’ensemble de la formation qui devrait être rémunérée. Et que l’ensemble de la formation, par-delà les stages, n’est généralement pas payé en raison de la division hiérarchique entre les enseignant.es et les étudiant.es, c’est-à-dire entre les travailleurs.euses et les apprenant.es. Ce rapport asymétrique renforce l’antagonisme entre travail reconnu comme productif par l’octroi d’un salaire et travail reproductif sans salaire. En définitive, que le travail étudiant exploité soit impayé ne le rend pas moins exploitable et, surtout, les relations de pouvoir entre étudiant.es, professeur.es et cadres, en cas de violence et de répression entre autres, s’en trouvent renforcées. Car, c’est lorsque le travail gratuit sort, grâce à un salaire, de la sphère informelle et naturalisée qu’il cesse d’être pris pour acquis et qu’il peut devenir l’objet de revendications et d’une lutte sociale. Assurément, on continue à se vendre comme salarié.es, mais en tentant d’imposer par la lutte un contrôle non marchand sur notre propre travail, donc à dépasser une logique capitaliste.

C’est dans cet esprit qu’à l’automne dernier, les militant.es des Comités unitaires sur le travail étudiant (CUTE) ont mis en branle une campagne de mobilisation pour la reconnaissance du travail étudiant en tant que travail intellectuel qui mérite salaire et de bonnes conditions [39]. Dans le sillage de la grève des doctorant.es en psychologie, cette campagne politique vise d’abord à inviter les stagiaires à s’organiser en vue d’une potentielle grève générale pour la rémunération de tous les stages [40]. Il s’agit d’un appel à une grève des femmes qui pourrait faire éclater au grand jour la valeur du temps de travail accompli. Elles pourraient revendiquer la mise à terme du temps volé des stagiaires, la reconnaissance du travail gratuit par un salaire et le contrôle des conditions de travail par celles qui l’exécutent. D’ailleurs, dans les années 1970, aux États-Unis et en Ontario, les comités Wages for students, dont la démarche s’apparente à celle des comités CUTE, présentaient leur travail comme une lutte pour la réduction du temps de travail [41].

La proposition des CUTE est novatrice puisqu’elle inscrit les luttes étudiantes dans les luttes féministes, plutôt que l’inverse, ce à quoi nous a habitué.es le mouvement étudiant dans les dernières années. Les féministes étudiantes ont tout avantage à ouvrir les hostilités avec l’État sur le terrain de la reproduction, dont l’école est un lieu incontournable. Politiser le travail étudiant contribue à appréhender toute l’étendue du travail reproductif gratuit et ses implications dans l’accumulation capitaliste au sein de la division internationale du travail. Cette lutte constitue donc le volet étudiant de la lutte pour la reconnaissance du travail de reproduction, notamment celui des ménagères, des parents, des travailleuses du sexe et des travailleurs.euses migrant.es.

 

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Nous tenons à remercier les militant.es des Comités unitaires sur le travail étudiant (CUTE), ainsi que Marie-Anne Casselot et Mathieu Jean dont l’aide précieuse a été essentielle pour l’écriture et la révision de ce texte.


[1] Vinogradoff, Luc, « Marche contre “les féminicides” en Argentine et dans toute l’Amérique latine », Le Monde, 19.10.2016 : https://www.lemonde.fr/big-browser/article/2016/10/19/greve-des-femmes-et-mercredi-noir-en-argentine_5016560_4832693.html

[2] https://niunamenos.com.ar/

[3] Deborde, Juliette, « Inégalités salariales : à quelle heure les femmes arrêtent-elles d’être payées? », Libération, 26.10.2016 :

https://www.liberation.fr/planete/2016/10/26/inegalites-salariales-a-quelle-heure-les-femmes-arretent-elles-d-etre-payees_1524250; Mallaval, Catherine et Johanna Luyssen, « Inégalités salariales femmes-hommes : grève ce lundi à 16h34 », Libération, 06.11.2016 : https://www.liberation.fr/france/2016/11/06/inegalites-salariales-femmes-hommes-greve-ce-lundi-a-16h34_1526654

[4] https://parodemujeres.com/

[5] L’appropriation du temps et des produits du corps correspondent à deux facettes des rapports de sexage chez Colette Guillaumin. Pour en savoir plus : https://www.feministes-radicales.org/wp-content/uploads/2010/11/Colette-Guillaumin-Pratique-du-pouvoir-et-id%C3%A9e-de-Nature-1-Lappropriation-des-femmes.pdf

[6] Quelque temps après la grève étudiante de 2012 au Québec, Valérie Lefebvre-Faucher évoque les pouvoirs et des paradoxes de la grève des femmes : https://miresistance.com/valerie-lefebvre-faucher-greve-de-la-reproduction/

[7] Nous ne ferons pas ici la distinction entre le travail productif de valeur marchande et le travail productif de valeurs d’usage sans valeur marchande, dont les producteurs reçoivent un salaire, qualifié de travail improductif chez Marx. Nous nous intéresserons plutôt à la distinction entre travail salarié, qu’il soit productif ou improductif, et travail gratuit. Nous cherchons à comprendre comment le travail étudiant, en reproduisant la force de travail, en vente sur le marché du travail, produit à la fois des valeurs d’usage et de la valeur marchande.

[8] Nicole Laurin a quant à elle souligné l’erreur de cette catégorisation nominaliste des travailleurs et travailleuses : « La reproduction élargie du capital exige l’ensemble des catégories de travailleurs inscrits dans les procès du mode de production capitaliste, considérés dans leurs multiples dimensions et niveaux et selon les divers réseaux d’appareils. Elle utilise la force collective de cet ensemble d’agents qui n’est pas la somme de la force individuelle de chacun, mais plutôt, comme le disait Proudhon, l’organisation du travail au sens large. On ne peut même pas exclure de cet ensemble les travailleurs non actifs ou non salariés – par exemple, les chômeurs, les ménagères – qui s’inscrivent spécifiquement dans les places dominées de certains procès de production (domestique), de contrôle et de reproduction (dans la famille, dans l’État, etc.) », dans Production et forme de la nation, Montréal, Nouvelle optique, 1978, p. 37 : https://classiques.uqac.ca/contemporains/laurin_frenette_nicole/production_Etat_nation/production.html

[9] Au sens où l’entend Marx, le travail des enseignant.es est productif dans un collège privé et improductif dans un collège public (CÉGEP). Comme bien des services publics, l’éducation est un travail de reproduction, souvent exercé par les mères et les clercs, devenu salarié, donc productif ou improductif.

[10] Daniel Bensaïd précise que, dans Le capital, Marx n’a pas abordé les conditions de reproduction d’ensemble du capital (éducation, santé, logement, etc.), seulement de sa production d’ensemble. Il a toutefois évoqué « les formes de transmission de travaux immatériels vers la production capitaliste (mentionnant les “usines d’enseignement” dont les enseignants seraient productifs, non vis-à-vis des élèves, mais vis-à-vis de l’entreprise éducative) en insistant sur la notion de travailleur collectif ». Dans Marx l’intempestif : grandeurs et misères d’une aventure critique, Paris, Fayard, 1995.

[11] Mariarosa Dalla Costa et Selma James, Women and the Subversion of the Community, 1971, p.10-11. Pour consulter leur ouvrage en ligne : https://libcom.org/files/Dalla%20Costa%20and%20James%20%20Women%20and%20the%20Subversion%20of%20the%20Community.pdf

[12] Pour visionner la présentation de Louise Toupin et de Silvia Federici sur cette question : https://youtu.be/ZJBqxH2rJa4

[13] Pour en savoir plus, voir Colette Guillaumin, Sexe, race et pratique du pouvoir, Paris, Côté-femmes,1992, 239 p.

[14] Ce sont toutes des fonctions reproductives devenues des fonctions improductives rémunérées, mais seulement partiellement. Pour consulter un exemple d’une position qui comprend les études comme un travail improductif, voir la critique de la campagne des CUTE par le Mouvement étudiant révolutionnaire de Montréal (d’allégeance maoïste) : https://dissident.es/a-propos-du-salariat-etudiant-et-du-role-de-leducation-dans-le-capitalisme/

[15] James Attfield et Isabelle Couture, An Investigation into the Status and Implications of Unpaid Internships in Ontario, p. 36 : https://internassociation.ca/tempcia/wp-content/uploads/2015/09/Attfield_James_and_Couture_Isabelle_MPA_2014.pdf

[16] Ce rapport est très bien illustré par les familles ouvrières de la société industrielle où les hommes travaillent à l’usine et les femmes s’occupent du travail ménager.

[17]Jean-Marie Harribey démontre au contraire que la valeur monétaire des services non marchands « n’est pas ponctionnée et détournée; elle est produite ». Dans « Le travail productif dans les services non marchands : un enjeu théorique et politique », Économie appliquée, An international journal of economic analysis, tome LVII, n° 4, 2004, p. 19 : https://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/valeur/productif-non-marchand.pdf

[18] Il n’existe pas à ce jour de données par programme d’études pour le Québec et le Canada. Les employeurs ne sont d’ailleurs pas tenus de déclarer leur recours à des stagiaires non rémunérés aux gouvernements provincial et fédéral. La tendance est cependant chiffrée aux États-Unis, où on retrouve le plus haut taux de stages rémunérés dans les programmes de génie et d’informatique (87 %), suivis des programmes de gestion (70 %), de ceux liés aux domaines de l’agriculture et des ressources naturelles (66 %), aux domaines de la biologie et des sciences physiques (65 %). À l’inverse, les taux les plus bas de stages rémunérés se trouvent dans les programmes liés aux domaines de l’éducation (34 %), des sciences sociales (35 %), des sciences de la santé (39 %), des communications (41 %) et arts et sciences humaines (humanities, 43 %). Tiré de Gardner, Phil, The Debate Over Unpaid College Internships, p. 6. https://www.ceri.msu.edu/wp-content/uploads/2010/01/Intern-Bridge-Unpaid-College-Internship-Report-FINAL.pdf

[19] Considérant que les domaines d’études (et donc de travail) sont encore fortement sexués, l’écart des salaires hebdomadaires moyens entre les femmes et les hommes de 20 à 35 ans ayant un niveau de scolarité égal témoigne bien de la plus faible rétribution pour le travail des femmes. Au Canada, les hommes détenant un diplôme d’études secondaires perçoivent en moyenne un salaire de 744 $ alors que celui-ci s’élève à 549 $ pour les femmes. Avec un certificat de métiers, les hommes touchent 810 $ et les femmes, 538 $. L’écart persiste avec un certificat (collège) supérieur à deux ans (H = 938 $; F = 717 $) de même qu’avec un baccalauréat (H = 1108 $; F = 928 $). Il est intéressant de souligner que les hommes ont souvent un salaire plus élevé que les femmes, et ce, même lorsque leur niveau de scolarité est plus faible que celles-ci. Voir, Amevi Mawulé Izalédu Akpemado, Le rendement salarial provincial des diplômes d’études techniques et professionnelles chez les jeunes hommes et femmes de 20-35 ans, mémoire de maîtrise en économique, UQAM, 2012 : https://www.archipel.uqam.ca/5120/1/M12593.pdf

[20] « […] tous les modes de travail qui existent aujourd’hui doivent donc être réexaminés afin de déterminer le rapport social qu’ils reproduisent et la nature spécifique de l’exploitation ». Selma James, citée et traduite par Louise Toupin dans Le salaire au travail ménager, Montréal, Éditions du remue-ménage, p. 131.

[21] Silvia Federici illustre les impacts de la nouvelle division internationale du travail avec de nombreux exemples contemporains dans « Reproduction et lutte féministe dans la nouvelle division internationale du travail », Période, 17 avril 2014. En ligne : https://revueperiode.net/reproduction-et-lutte-feministe-dans-la-nouvelle-division-internationale-du-travail/

[22] Les termes sexe, race et âge ne sont bien sûr pas utilisés ici au sens biologique; ils sont construits à travers des rapports sociaux.

[23] Expression tirée de Maria Turi, dans L’Italie au féminisme, Paris Tierce, 1978.

[24] Toupin, Louise, Le salaire au travail ménager, Montréal, Éditions du remue-ménage, p. 228.

[25] Pour connaître la réalité de dix stagiaires de différents secteurs professionnels, voir le vidéo Dix femmes en stage produit par des militant.es des CUTE : https://www.youtube.com/watch?v=3fHzA7GmZJg

[26] Morgane Merteuil fait une démonstration similaire à la nôtre en tentant de faire valoir que les services sexuels constituent un travail reproductif, posture nécessaire pour comprendre l’importance des luttes des travailleuses du sexe dans la crise de la reproduction sociale : https://raisons-sociales.com/articles/strategies-feministes-contre-neoliberalisme/feminisme-travail-du-sexe-reproduction-sociale/

[27] Déjà en 1975, un groupe d’étudiant.es, revendiquant un salaire étudiant, critiquaient cette posture voulant que d’étudier constituait nécessairement un investissement en terme de temps et d’argent pour le futur. Voir à cet effet leur brochure, Wages for Students, 1975, États-Unis : https://zerowork.org/WagesForStudents.html

[28] Canada. Ministère de l’Emploi et du Développement social, Système de projections des professions du Canada : projections 2015 : la demande de main-d’œuvre 2015-2024. Ottawa, le Ministère, 2015 : https://occupations.esdc.gc.ca/sppc-cops/l.3bd.2t.1ilshtml@-fra.jsp?lid=64&fid=50&lang=fr

[29] Les tenants de la critique radicale de la valeur pourraient nous répondre que de réclamer un salaire constitue une acceptation du « caractère réifié de notre être » qui se traduit par la forme « force de travail-marchandise » et d’une « naturalisation du travail capitaliste ». Ils et elles ont raison au sujet de l’aliénation engendrée par le rapport salarial : ce dernier nous oblige à travailler non pas en vue d’une production utile, en suivant un raisonnement conscient, mais dans le but d’obtenir de l’argent en produisant de la marchandise, ce qui rend le travail abstrait. Ils et elles ont toutefois tort quant à la consolidation du rapport salarial par la revendication d’un salaire. Le travail étudiant fourni au cours des études est soumis à une aliénation de même nature que le travail salarié et s’apparente à du travail abstrait.

[30] À ce propos, la naissance du syndicalisme étudiant en France remonte à l’adoption de la Charte de Grenoble, en 1946, dont le premier article stipule que « l’étudiant est un jeune travailleur intellectuel » : https://grenoble.unef.fr/unef-syndicat-etudiant/la-charte-de-grenoble/

[31] « Si vous vous enrôlez par l’entremise des programmes d’études universitaires ou collégiales payées, les Forces paieront vos frais de scolarité au niveau universitaire ou collégial, vos livres et votre matériel scolaire, en plus de vous verser un salaire et de vous procurer des avantages sociaux pendant que vous fréquentez l’établissement. », Les Forces armées canadiennes, 2017 : https://www.forces.ca/fr/page/etudespayees-96

[32] Voir à cet effet l’article du Syndicat des étudiant.es employé.es de l’UQAM sur les fausses bourses attribuées par les enseignant.es aux étudiant.es : https://setue.net/faussesbourses/

[33] Pour en savoir davantage sur la grève des internats en psychologie et sur le rapport Granger, lire « Un salaire sans les droits » d’Étienne Simard : https://dissident.es/un-salaire-sans-les-droits/

[34] Pour en savoir davantage sur les implications paternalistes du système de prêts et bourses, lire « La bourse ou la vie » de François Bélanger et Félix Dumas-Lavoie : https://dissident.es/la-bourse-ou-la-vie/

[35] Voir à ce propos la campagne sur l’autonomie professionnelle de la Fédération autonome de l’enseignement, « L’expert dans la classe c’est le prof », qui tente de revaloriser aux yeux des administrations scolaires et de l’État la profession enseignante, mais qui, au final, reproduit l’asymétrie entre l’expert enseignant.e et les non-experts étudiant.es. Et si la valorisation de la profession enseignante ne passerait pas plutôt par une reconnaissance concrète du travail, déjà pendant les études, de ceux, mais surtout de celles qui effectuent des tâches associées au care? Pour en savoir davantage, voir la page Web de la campagne de la FAE : https://www.lafae.qc.ca/actualites/lexpert-dans-la-classe-cest-le-prof/; vidéo officiel de la campagne : https://youtu.be/RqGUhgFSqYo

[36] Pour en savoir plus : Nadeau, Jessica, « La violence sexuelle, un fléau à l’université », Le Devoir, 10 mai 2016 : https://www.ledevoir.com/societe/education/470450/universite-une-personne-sur-trois-a-ete-victime-de-violence-sexuelle

[37] Pour lire une critique étudiante du déroulement des stages en éducation, voir ce texte de Jeanne Bilodeau, « Les limites de la tolérance : femmes et formation en enseignement », Minorités lisibles, Hiver 2016, p. 34-39 : https://media.wix.com/ugd/c03938_08220cf506bf4389bf601fd4f8c06c77.pdf

[38] Par exemple, lors de la grève étudiante de 2012, les stagiaires ont été systématiquement exclu.es de la majorité des mandats de grève, et conséquemment, l’amélioration des conditions de stages n’a pas été l’objet de ceux-ci.

[39] Un appel a été lancé à la population étudiante en août 2016 pour la formation de comités de mobilisation sur le travail étudiant. Pour en savoir plus : https://dissident.es/appel-a-la-formation-de-comites-unitaires-sur-le-travail-etudiant/

[40] Tout le matériel d’information et de mobilisation produit et distribué par les militant.es des CUTE depuis l’automne 2016 se trouve en ligne : https://www.travailetudiant.org/

[41] Dans un ouvrage trilingue, Georges Caffentzis et Silvia Federici s’entretiennent sur les perspectives historiques et actuelles des luttes pour un salaire étudiant : https://www.akpress.org/wages-for-students-sueldo-para-estudiantes-des-salaires-pour-les-etudiants.html