Féministes et recours à la force politique : des suffragettes britanniques aux « casseuses » des Black Blocs

Suffragettes

 

GENEVIÈVE VAILLANCOURT ET FRANCIS DUPUIS-DÉRI

 

La violence des femmes par l’action directe au sein de luttes politiques est un sujet trop souvent occulté, y compris dans les études féministes, même si plusieurs analyses récentes proposent des réflexions aussi importantes qu’intéressantes[1]. La violence politique peut être perçue par les militantes elles-mêmes comme un moyen d’exprimer une juste colère, de rendre ou de se faire justice, de transgresser les normes de genre, ou de partager la joie de la fête qu’est l’émeute. Or comme le militantisme peut aussi être perçu comme un lieu de production de travail, la question de la violence politique et militante peut aussi être abordée au regard de la division sexuelle du travail.

Les travaux de Danièle Kergoat sont particulièrement stimulants afin de comprendre de quelle manière le travail est traversé par les rapports sociaux de sexe. Selon Kergoat, la division sexuelle du travail « a pour caractéristiques l’assignation prioritaire des hommes à la sphère productive et des femmes à la sphère reproductive ainsi que, simultanément, la captation par les hommes des fonctions à forte valeur sociale ajoutée (politiques, religieuses, militaires, etc.)[2]». En s’inspirant de Kergoat, Elsa Galerand et Xavier Dunezat ont bien montré que la division sexuelle du travail se reconstitue dans le militantisme. En ce sens, la notion de « travail militant » « veut désigner l’ensemble des activités que suppose et sécrète l’action collective. Or l’organisation de ces activités – soit la manière dont le travail militant est ou n’est pas divisé, accaparé, assigné, mais aussi valorisé ou déqualifié – devient ainsi un indicateur grâce auquel on peut voir les rapports sociaux s’actualiser à l’intérieur même des groupes mobilisés[3]». Selon Dunezat et Galerand, il convient aussi de parler de « mouvement social sexué »[4], puisque le sexe de la personne qui milite influence très fortement les tâches qu’elle accomplira et les bénéfices qu’elle en retirera, que ce soit d’ordre matériel ou symbolique, ou encore la reconnaissance dans le milieu et à l’extérieur. Le recours à la force – ou la «violence» – dans les mouvements sociaux est également influencé par cette division sexuelle du travail militant.

Il semble que le cas des suffragettes en Grande Bretagne au début du XXe siècle et celui des femmes dans les Black Blocs aujourd’hui offrent deux exemples tout particulièrement intéressants pour réfléchir à ces enjeux. En effet, les suffragettes étaient féministes et n’hésitaient pas à recourir à la force même si leur revendication apparaît aujourd’hui plutôt modérée, puisqu’il ne s’agissait que d’obtenir le droit de voter et d’être élue. Comme le soulignait une auteure au sujet de cette lutte féministe, «[i]l est vrai que les femmes ont souvent regretté profondément que tant d’énergie humaine ait dû être dépensée pour conquérir un droit si simple[5]». Or parce qu’elles militaient presque exclusivement en non-mixité, il est possible de penser qu’elles n’étaient pas aux prises à des problèmes liés à la division sexuelle du travail militant. Pourtant, en y regardant de plus près, cette division peut tout de même exister dans les espaces non mixtes, mais de manière reconfigurée[6]. Quant aux Black Blocs, ils sont associés à un militantisme anarchiste et insurrectionnel, mais ils semblent souvent composés en grande majorité d’hommes. Dans la mesure où les Black Blocs et ses composantes sont traversés par les rapports sociaux de la société dans laquelle ils apparaissent et évoluent, il est possible de postuler que les Black Blocs ne sont pas exempts de domination et d’inégalité, y compris entre les sexes (malgré un discours, souvent anarchiste ou anarchisant, au ton égalitariste). Il en résulte un double défi tant militant que scientifique, dans la mesure où il est impératif dans un premier temps de ne pas cantonner les femmes dans une position subordonnée, mais aussi de voir comment s’articule le travail militant, y compris dans un contexte de groupes affinitaires, ce qui a été peu exploré dans la littérature sur les Black Blocs.

De suffragistes à suffragettes[7]

Au début de l’été 1914, la mobilisation des suffragettes en Grande Bretagne atteignait son paroxysme. Londres était alors la capitale d’un immense empire. Les actions spectaculaires des suffragettes attiraient l’attention partout en Occident, y compris aux États-Unis, au Canada et au Québec. Le New York Times rapportait ainsi que le 10 juin 1914, une bombe explosait à l’abbaye de Westminster sous le trône de couronnement. Un mois plus tard, au début juillet, la police perquisitionnait le quartier général de la Women’s Social and Political Union (WSPU) et arrêtait une fois de plus Emmeline Pankhurst, la tête dirigeante des suffragettes, qui entreprendra une grève de la faim. Comment en était-on arrivé là?

Depuis la fin du XIXe siècle, le mouvement pour le droit de vote des femmes était dirigé par Millicent Fawcett, qui avait unifié les organisations pour le suffrage féminin en 1897, au sein de la National Union of Women’s Suffrage Societies (NUWSS). Elle prétendait qu’il fallait procéder par de discrètes rencontres avec des députés favorables à leur cause, en plus de prononcer des conférences, publier des journaux et lancer des pétitions. Elle prétendait alors qu’il fallait garder de bons rapports avec le Parti libéral, le plus à même d’entendre raison. Exaspérées par l’échec évident de cette approche, quelques femmes ont décidé de passer à l’action directe. En 1903, Emmeline Pankhurst ainsi que ses filles Christabel et Sylvia ont fondé la Women’s Social and Political Union (WSPU), dont le slogan était «Des actes, pas des mots». Pour marquer ce clivage, on a commencé à distinguer d’un côté les suffragistes, adeptes du lobbying, et les suffragettes, portées vers l’action directe. S’il y avait une division du travail militant, c’était donc entre femmes, entre organisations et dans les organisations (il s’agissait de structures plutôt hiérarchisées). Les suffragistes se réservaient les actions légitimes et légales, préservant ainsi une certaine respectabilité aux yeux des politiciens et des grands journaux, minimisant de ce fait la répression (même si elles étaient tout de même la cible d’insultes et de contre-mobilisations violentes). Pour leur part, les suffragettes menaient les actions plus musclées, étant de ce fait la cible des attaques les plus violentes, à la fois en termes symboliques et physiques. Des centaines d’entre elles ont été jetées en prison. La criminalisation des suffragettes avait aussi des conséquences en termes financiers (les amendes à payer, par exemple).

Les suffragettes ont perturbé des assemblées politiques, y compris celles du Parti libéral. Les femmes ont donc été bannies des rassemblements des partis politiques. Qu’à cela ne tienne : elles se sont postées sur des toits d’où elles lançaient des briques et des tuiles à travers les vitres des salles accueillant ces rassemblements, comme en 1909 lors d’un discours du premier ministre Asquith, également bousculé à la sortie d’une église et sur un terrain de golf.

Leurs manifestations de rue procédaient souvent de manière identique : avant le discours du trône ouvrant une session parlementaire, les suffragistes se rassemblaient à Londres dans le bâtiment Caxton Hall – on évoquait alors un «Parlement des femmes» – puis elles prenaient la rue avec leurs bannières, jusqu’au parlement. Les plus importantes manifestations comptaient des dizaines de milliers de femmes, parfois plus de cent mille, et des hommes qui leur étaient alliés. Dès 1907, plusieurs manifestations se sont terminées par des affrontements avec la police et des arrestations par dizaines. Les suffragettes condamnées choisissaient la prison, où elles entamaient des grèves de la faim (une tactique reprise par les prisonniers républicains irlandais). Les autorités pénitencières, y compris médicales, les gavaient de force par intubation dans la gorge ou le nez (une tactique reprise contre les Irlandais). Les suffragettes se sont aussi présentées au 10 Downing Street, résidence du premier ministre, pour y pénétrer de force et lancer des pierres dans les vitres. En 1909, les manifestantes ont marché dans les rues de Londres et fracassé les vitres de dizaines de bâtiments de l’État et d’entreprises privées, tactique qu’elles ont répétée en 1911 alors qu’elles ont aussi ciblé les bureaux des journaux Daily Mail et Daily News, tous deux opposés au droit de vote des femmes. Ces actions directes collectives étaient quelque peu semblables de celles du Black Bloc, en termes de recours à la force et de cibles, mais les suffragettes agissaient alors en non-mixité et elles ne cherchaient pas l’anonymat n’étant ni masquées, ni vêtues à l’identique. Le 16 février 1912, Emmeline Pankhurst déclarait que «l’argument du carreau brisé est l’argument qui a le plus de valeur en politique moderne[8]».

En janvier 1913, la WSPU a lancé une campagne de destruction de biens et propriétés. En trois semaines, une boîte de bijoux a été fracassée à la Tour de Londres, des fils de télégraphe reliant Londres et Glasgow coupés, le club de Regent’s Park incendié, ainsi qu’un train. Au début de février, Emmeline Pankhurst a précisé l’intention des militantes : «Nous ne détruisons pas […] pour nous attirer l’appui des gens que nous attaquons. Si le public en général était heureux de ce que nous faisons, ce serait la preuve que notre guerre est inefficace. Nous n’espérons pas que vous soyez contents[9].» Le 3 juin 1913, Emily Wilding Davison, qui avait incendié des boîtes aux lettres et le chantier d’une maison d’un ministre, a sauté sur la piste du Derby, devant le cheval du roi. Le crâne fracturé, elle est morte cinq jours plus tard. Une grande procession a suivi son cercueil. Gravé sur sa pierre tombale, le slogan des suffragettes : «Des actes, pas des mots».

En fait, la seule année 1913 a été marquée par deux cent trente-deux incendies ou attaques à la bombe[10]. Les suffragettes ont commencé à s’en prendre à des œuvres d’art, comme la Vénus de Velasquez, à la Galerie nationale de Londres. L’argument politique? L’État nie aux femmes un droit fondamental, ce qui est une injustice, et toute injustice est hideuse. Or la justice politique défendue par les suffragettes était belle, et même plus belle que les œuvres d’art auxquelles l’État accordait tant d’intérêt et de respect. Plusieurs musées ont fermé leurs portes. L’année suivante, les suffragettes ont lancé une campagne de perturbation des tribunaux et deux femmes ont attaqué au fouet le médecin responsable du gavage des prisonnières. En 1914, de janvier à août, les suffragettes ont commis cent cinq incendies ou attaques à la bombe[11]. Seule la guerre, qui a éclaté au début août, a mis un terme à cette campagne d’actions directes.

Après la guerre, le gouvernement britannique a finalement concédé le droit de vote aux femmes, tout comme le gouvernement canadien et celui des États-Unis, pour les remercier pour leur effort de guerre, disait-on alors. Virginia Woolf, avec son ironie habituelle, a bien souligné la contradiction des élites politiques si promptes à dénoncer la violence et l’intimidation des mouvements sociaux et à glorifier celle de l’État : «Incendier, fouetter et détruire des œuvres d’art semble ne devenir héroïque que lorsque cela est effectué à grande échelle par des hommes avec des armes à feu.» Et d’ajouter : «Les femmes anglaises ont été très critiquées pour avoir eu recours à la force dans leur lutte pour le suffrage. […] Ces critiques, apparemment, ne s’appliquaient pas à la force utilisée dans la guerre européenne. Le vote en effet a été donné aux femmes anglaises en grande partie en raison de l’aide qu’elles ont apportée aux hommes anglais dans leur utilisation de la force dans cette guerre[12].»

Les hommes et les suffragettes

Quelques hommes se sont mobilisés pour le suffrage féminin, mais surtout auprès des suffragistes, plus modérées. C’est le cas de Bertrand Russell, sans doute l’intellectuel britannique le plus célèbre du XXe siècle. En appui aux suffragistes, il a consenti des dons monétaires, assisté à des rassemblements, a porté une bannière en manifestation (il a été insulté par la foule), a publié quelques textes et a été candidat en 1907 à l’élection partielle de Wimbeldon. Il s’était lancé en campagne – même s’il était certain de perdre – pour porter à l’attention publique la question du suffrage féminin, mais il a aussi pris position sur des enjeux comme le libre échange et la taxation. Déjà, des suffragettes lui ont reproché de ne pas s’en être tenu seulement à la cause des femmes (à noter qu’en France, et même si elles n’avaient pas le droit de se porter candidates, ce sont des femmes qui vont se présenter aux élections pour défier l’ordre patriarcal; la candidature de Jeanne Derouin en 1949, par exemple, avait particulièrement choqué l’anarchiste misogyne Pierre-Joseph Proudhon[13])[14]. Pour Russell, son activité électorale n’était qu’une «farce» et il confiait alors : «elle m’amuse au moins autant qu’elle m’embête[15]». Russell a aussi été nommé au Comité exécutif de la National Union of Women’s Suffrage Societies (NUWSS), mais il sera rapidement en désaccord avec les orientations de l’organisation. Il reprochait entre autres aux femmes de critiquer le Parti libéral, qu’il présentait dans des textes publics comme un allié potentiel qu’il ne faudrait donc pas attaquer. La position de Russell a été l’objet de critiques publiées dans les revues suffragistes[16]. Susceptible, Russell s’est désolé «qu’absolument personne n’a pris la parole en [s]a faveur» à la NUWSS. Il s’est confié à une amie aux États-Unis : «[n]os [suffragistes] ont la bigoterie d’une petite secte religieuse, et sont suspicieuses comme les Parisiens dans la guerre de 1870[17]. […] je vois que je ne peux rien faire d’autre que d’accepter ou de démissionner[18]». Déjà paternaliste et méprisant à l’égard des suffragistes, il a exprimé des propos particulièrement durs au sujet des suffragettes, trop radicales à ses yeux : «[l]es femmes a qui c’est imposé [le gavage] ont commis de sérieux actes de violence […] et autres choses calculées pour tuer des gens innocents. Si le gouvernement les libère quand elles se laissent mourir de faim, tout criminel pratiquerait la grève de la faim, et il en serait fait de la loi criminelle». Selon lui, les suffragettes, qu’il associait à l’«hystérie»[19], avaient fait perdre vingt ans à la cause des femmes par leur radicalisme. Il faudra attendre près de dix ans après l’obtention du droit de vote pour qu’il admette que les actions des suffragettes avaient finalement permis cette victoire[20], ce qu’il a admis à nouveau dans les années 1960 : «[j]e n’aimais pas les méthodes inconstitutionnelles des suffragettes, mais au final, il faut admettre que ce sont elles qui ont obtenu le vote pour les femmes[21]».

Du côté des suffragettes, quelques hommes se sont impliqués, dont le socialiste Harold Laski, qui a incendié un train[22]. Mais l’homme le plus important a été sans nul doute Frederick Pethick-Lawrence, qui avait été recruté par son épouse, Emmeline Pethick-Lawence. Il avait aussi été ému par la situation de militantes arrêtées qu’il avait visitées au poste de police. Il a surtout agi «dans les coulisses[23]», allant attendre au poste de police l’arrivée des suffragettes arrêtées, mettant sa fortune au service de la cause, permettant ainsi de fonder le journal Votes for Women dont il apportait lui-même les épreuves à l’imprimerie. Il a été emprisonné et gavé de force (par tube nasal), puis en 1912, il a été expulsé avec son épouse de la WSPU, alors qu’il était menacé par les tribunaux. Il a finalement été jugé juridiquement et financièrement responsable des actions directes pour avoir financé l’organisation, et a dû déclarer faillite. À la suite de cela, il a aussi été expulsé du Reform Club.

Dans le cas de ces hommes sympathisants de la cause des femmes, il apparaît clairement qu’ils entrent dans le militantisme comme déjà bénéficiaires d’une division sexuelle du travail qui leur permet de profiter de leur capital culturel, social et même financier pour jouer un rôle possiblement prestigieux, et d’influence, dans ce mouvement de femmes.

 

Des suffragettes aux Blacks Blocs

Les Black Blocs sont apparus vers 1980 en Allemagne de l’Ouest, dans le cadre de luttes contre l’expropriation de squats à Berlin-Ouest. Cette tactique s’est développée dans le mouvement «autonome» (autonomen, en allemand) en réaction aux expulsions brutales menées par le corps policier. Le mouvement autonome s’est constitué en marge de l’extrême gauche officielle, de manière autonome – et même contre – les institutions officielles des sphères politiques, économiques et culturelles, que ce soit l’État, les partis, les syndicats, les médias publics et privés, et la propriété privée. Le mouvement autonome a été particulièrement dynamique dans les années 1970 et 1980 en Europe de l’Ouest, pratiquant entre autres choses l’occupation d’immeubles qui devenaient des lieux de vie et d’activités politiques et culturelles autonomes. Afin de défendre et assurer le maintien de leur projet politique, certains autonomes, vêtus de noir, casqués, le visage masqué et maniant des armes artisanales, ont combattu la police dans la rue. En ce sens, nous pourrions définir le Black Bloc comme une tactique[24] (à ne pas confondre avec organisation) affinitaire mobilisée dans le cadre d’une manifestation ou soulèvement protestataire. Avec les années, notamment grâce à la démocratisation de la culture militante d’extrême gauche, la tactique Black Bloc s’est répandue principalement en Europe et en Amérique du Nord. Au Québec, il a par exemple été possible de remarquer des Black Blocs parmi les soulèvements entourant le Sommet des Amériques de 2001[25]. La tactique Black Bloc et l’anonymat qu’elle procure sont un atout non négligeable en termes de stratégies politiques pour mener des actions directes, particulièrement dans le contexte d’une expansion des dispositifs technologiques de surveillance et de contrôle policier[26].

Dans le contexte contemporain, il est intéressant de se questionner sur la configuration actuelle de la violence politique et des rapports sociaux de sexe dans la tactique Black Bloc, qui a connu une popularité croissante depuis quelques années, étant reprise par exemple au Brésil, en Égypte et encore au Québec, lors de la grève étudiante de 2012. Les perspectives théoriques de Dunezat, Galerand et Kergoatquant aux rapports sociaux de sexe et celles de Jules Falquet portant sur la division sexuelle du travail révolutionnaire aident à réfléchir aux méthodes des Black Blocs en contexte de manifestation et d’émeute. Quoique la sociologue Jules Falquet étudie la division sexuelle du travail révolutionnaire, des tâches militantes propres à l’action directe de type Black Blocs évoquent la lutte armée : fabrication et utilisation d’armes, par exemple, les soins à apporter aux personnes blessées, les désarrestations et le travail invisible de soutien des camarades en prison.

Falquet invite à juste titre à «“désacraliser” le processus révolutionnaire, ôter à la guerre son halo de période exceptionnelle et appliquer les outils sociologiques développés pour les temps de paix. […] En d’autres termes, un travail de production d’un processus révolutionnaire[27]». Bref, il faut observer les positions internes des hommes et des femmes (de soutien, offensif, défensif, de reproduction) dans les regroupements militants. Il est donc impératif de considérer avec sérieux le taux de participation des femmes dans les Black Blocs, la place qu’elles y occupent ou le sexisme dont elles sont victimes. Qui plus est, il nous semble incontournable d’étudier les manières dont l’organisation de la société actuelle structure, voire traverse les pratiques militantes et le travail qui en découle, y compris celles dans les Black Blocs.

 

Le profil sociologique des militantes et militants des Black Blocs

Même si les Black Blocs sont souvent l’objet de discussions qui évacuent complètement la question des rapports sociaux de sexe, quelques textes – surtout militants, parfois universitaires – ont abordé cet enjeu. Les féministes révolutionnaires italiennes du groupe Tute Nereont lancé le slogan «Black Bloc : pas seulement pour votre copain!». Aux États-Unis, le Black Women Movement (BWM) a diffusé le communiqué Women in the Black Bloc, critiquant les camarades qui associent les femmes et le féminin à la douceur et au pacifisme (voir aussi Après avoir tout brûlé… : Suite au Sommet de l’OTAN à Strasbourg en avril 2009 – Correspondance à propos de stratégies et émotions révolutionnaires). Des anarchistes de Boston ont proposé le concept de «manarchy» pour désigner le machisme militant, en référence à une discussion au sujet de la tactique du Black Bloc lors des mobilisations contre la convention démocrate en 2004[28]. Enfin, des femmes extérieures aux Black Blocs peuvent exprimer leur appui à cette tactique. Ainsi, lors des mobilisations contre les Jeux olympiques à Vancouver en 2010, Stella August, une femme autochtone membre du Downtown Eastside Power of Women, a déclaré dans les médias : «Ils/elles [they] sont en colère parce que les riches arrivent avec les Olympiques dans notre pays alors que nous n’en avons pas besoin. Cela n’était pas demandé. Ces jeunes n’étaient pas mauvais. Ils/elles [they] étaient seulement en colère parce que ce qui a été apporté dans notre pays n’était que de la grande pauvreté[29].» Même Starhawk, une sorcière néopaïenne militante, anarchiste et féministe, qui a enseigné et pratiqué la militance non violente pendant les années 1970, 1980 et 1990, a admis à la suite du Sommet des Amériques à Québec en 2001, que celles et ceux qui ont participé aux Black Blocs n’avaient pas tort, voire avaient aussi raison[30].

Contrairement à la plupart des actions des suffragettes, les Black Blocs sont mixtes et procurent un certain anonymat qui peut être perçu à la fois comme un avantage par rapport à la répression et par rapport à l’hétéronormativité et aux contraintes du genre, puisqu’il n’y aurait plus de genre dans une telle masse anonyme. Dans les textes militants et universitaires, il est souvent souligné qu’il n’est pas possible «de faire du genre dans une émeute», surtout lorsque vous portez un masque et que vous évoluez dans une masse anonyme[31]. Un Black Bloc qui défiait le Sommet du G20 en 2009 à Pittsburgh chantait d’ailleurs «Nous sommes ici! Nous sommes queers! Nous sommes anarchistes! Nous allons vous baiser[32]!» Il serait sans doute possible de nuancer de tels propos, car il est souvent possible d’identifier le genre des individus dans un Black Bloc de par la posture corporelle, par exemple, voire de les reconnaître (si on les connaît) lorsque les regards se croisent. Mais cette conviction que le genre est troublé, voire effacé dans les Black Blocs est régulièrement exprimée. Une militante explique ainsi qu’une fois vêtue en Black Bloc, «la politique de “les bonnes filles ne lancent pas de pierres” est suspendue, et je suis libre d’agir hors de la règle traditionnelle “sert du thé, pas un cocktail Molotov”.» Mais elle ajoute que «les femmes gagnent du terrain dans le mouvement, mais certains sujets y restent encore tabous. Et comme le machisme domine encore les rues, particulièrement pendant une émeute, ce que les femmes ont à dire disparaît souvent dans le nuage des gaz lacrymogènes[33].» Néanmoins, l’anonymat et l’effacement du genre peuvent avoir un effet négatif imprévu, à savoir l’invisibilisation des femmes dans les Black Blocs qui y sont pourtant à la fois actrices de luttes et classe constituante de violences insurrectionnellesla plupart du temps, lorsque nous pensons à une personne anonyme, y compris dans un Black Bloc, elle prend la forme du masculin universel et désincarné (en référence à ce sens commun, une anthologie de textes anarchaféministes propose une gravure d’un personnage anonyme, accompagné du slogan «Anonyme était une femme!»[34]).

L’anonymat privilégié par le Black Bloc qui permet difficilement de cerner la proportion de femmes prenant part à cette tactique limite d’autant la possibilité de développer une analyse fine des rapports sociaux de sexe et de la division sexuelle du travail militant au sujet de cette tactique. En fait, à la lumière des quelques ouvrages traitant spécifiquement des Black Blocs, il s’avère impossible de saisir qui, au sens sociologique du terme, utilise cette tactique. Il est d’ailleurs très probable que le profil des personnes participant aux Black Blocs soit différent selon les époques, selon les villes et selon les pays (par exemple, une discussion avec une participante aux Black Blocs de Sao Paulo au Brésil, laisse entendre que les Black Blocs y étaient moins diversifiés en termes de sexes et d’ethnies que ceux de Rio de Janeiro)[35]. Le caractère mouvant et affinitaire de ces groupes ne permet pas d’opérer des généralisations sur l’ensemble des Black Blocs, nous amenant, en dernière analyse, à nous fier aux données recueillies lors d’entrevues menées auprès de militantes et militants Black Blocs, à quelques textes militants qui ont circulé sur le Web ou ailleurs, et à nos propres observations effectuées lors de manifestations et d’émeutes. Alors que les travaux disponibles laissent entendre que les personnes participant aux Black Blocs se situent dans la vingtaine, nous n’avons aucune donnée empirique permettant d’identifier avec précision à la fois le sexe, l’origine de classe[36] et l’appartenance ethnique de ces personnes (à noter, cela dit, qu’il est possible que des universitaires ayant écrit au sujet des Black Blocs d’un point de vue empathique n’aient pas cherché à préciser les profils des Black Blocs pour éviter de fournir de la matière à la police). Ce flou n’aide en rien à reconnaître non seulement la présence des femmes dans divers regroupements Black Blocs, mais aussi reconnaître la possibilité pour les femmes d’avoir recours à la force politique et de générer de la violence révolutionnaire.

La plupart des auteurs qui écrivent au sujet des Black Blocs semblent se représenter les personnes utilisant la tactique Black Bloc comme des hommes ou des êtres asexués[37]. À cet égard, le titre de l’article de Zùquete «Men in Black : Dynamics, violence and Lone wolf potential»(«Des hommes en noir : dynamiques, violence et le potentiel du Loup solitaire») apparaît fortement problématique. Le malaise s’accentue à la lecture de certains passages de ce texte, par exemple cette affirmation selon laquelle «les activistes se perçoivent entre eux comme une bande de frères, unis par une cause politique (mais surtout existentielle) qui est plus importante que chacun d’eux[38]». Pour d’autres, les indicateurs d’analyse du profil sociologique des individus se limitent à la «race» et la classe, en particulier dans la description d’un Black Bloc dans une manifestation de Rio : «[e]n bondissant, ces corps souples, légers, surprenants, dont plusieurs Noirs des banlieues et des favelas, répondaient à la camaraderie qui s’exprimaient dans ces cris[39]». Les limites de cette représentation n’est pas sans conséquence, tant d’un point de vue scientifique que militant. Or, comme le souligne Xavier Dunezat[40],

«l’étude des rapports entre le groupe de sexe dominant et le groupe de sexe dominé peut permettre d’expliquer : la différence entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes présents dans un mouvement social ; les comportements individuels, notamment dans une assemblée générale ; la division du travail entre les participants et les participantes ; la forme que prend un mouvement (type de structure, règles de fonctionnement, modes d’action, etc.) ; le choix de revendications plutôt que d’autres [41]».

Nous pourrions aussi ajouter que cela permettrait d’expliquer le choix des cibles, et certains rapports de force à l’intérieur des actions directes, et dans les réseaux militants auxquels elles sont associées.

 

Vers une sociologie de la division sexuelle du travail militant dans les Black Blocs au Québec

Même si son travail ne porte pas uniquement sur le phénomène des Black Blocs, Émeline Fourment a récemment terminé une étude importante au sujet des féministes queers et matérialistes de Göttingen (Allemagne), dans le réseau autonome[42]. Elle rappelle que la tactique du Black Bloc «assure l’anonymat des participants qui se ressemblent tous (fonction pratique) et elle signifie l’égalité entre les participants que l’on ne peut plus distinguer selon leur sexe et la couleur de peau (fonction symbolique interne)[43]». Par sa participation au mouvement et aux mobilisations, et par de nombreuses entrevues, Émeline Fourment essaie de comprendre et d’expliquer comment le féminisme matérialiste et le queer peuvent à la fois être inconciliables et converger dans les milieux militants. Elle constate que la posture matérialiste s’exprime le plus souvent dans la sphère domestique au sein des appartements collectifs, mais que le queer est plus influent dans la sphère militante publique (voir son étude pour mieux saisir les nuances et la complexité des interactions). Quant aux tactiques de rue, le Black Bloc permet aux femmes une forme d’empowerment, comme l’explique une des répondantes interviewées par Émeline Fourment : «le seul fait d’enfiler des habits noirs en manifestation fait qu’elle se sent “à l’aise et en confiance”. Ce sentiment de prise de pouvoir justifie alors pour beaucoup la participation aux Black Blocs ainsi que l’organisation de manifestations non mixtes de nuit[44]». Il ne s’agit pas seulement d’un empowerment individuel et collectif pour les femmes, mais aussi de la reconnaissance d’un certain radicalisme et donc d’une valorisation aux yeux des camarades masculins, surtout dans les réseaux antifascistes. Cela dit, il y a aussi un risque de renforcer la domination des hommes et revaloriser le masculin[45]. Dans le même milieu radical de Göttingen, d’autres féministes, plutôt queer, vont donc opter pour la tactique du Pink Bloc et du radical cheerleading. Or ce choix ne permet pas lui non plus de s’émanciper tout à fait du système de genre et du sexisme. Black Bloc et Pink Bloc reconduisent chacun à leur manière «la dichotomie masculin/féminin fortement associée aux couples “radical/pacifiste” ou “sérieux/ridicule”. […] [D]ans le premier cas, [les militantes féministes] valident les normes d’appropriation masculine de l’antifascisme [le Black Bloc comme expression d’une certaine force], tandis que de l’autre, elles reproduisent la figure d’une féminité pacifiste [le Pink Bloc comme expression d’une certaine frivolité]. Il semble ainsi que quel que soit le mode d’action qu’elles adoptent, les militantes féministes sont toujours soit trop masculines, soit trop féminines[46].» L’étude d’Émeline Fourment met donc en lumière à la fois l’importance de porter attention aux femmes dans les Black Blocs pour bien en saisir la logique politique, et d’analyser avec sérieux les rapports sociaux de sexe dans le mouvement et l’influence des normes de genre de la société environnante qui influencent la signification des expériences vécues par les militantes.

L’action des femmes dans les Black Blocs au Québec n’a pas encore été l’objet d’un travail aussi important. L’observation laisse croire qu’il y a plus de femmes en première ligne des Black Blocs à Montréal aujourd’hui qu’au début des années 2000, mais un tel constat est difficile à prouver empiriquement. Des entrevues avec trois femmes ayant participé à des Black Blocs au Québec ont permis de confirmer qu’il y avait en 2001, lors du Sommet des Amériques, une réelle division sexuelle du travail militant. En prévision des manifestations, les femmes préparaient les cocktails Molotov dans une cuisine pendant que leurs camarades masculins s’entraînaient au maniement des lance-pierres dans la cour arrière. Lors de l’action, les femmes ayant participé aux équipes de scouts à vélo bénéficiaient d’un moins grand capital militant que leurs camarades qui avaient combattu en première ligne[47]. Pareilles situations rappellent la thèse de Paola Tabet, à savoir que la domination masculine permet et impose «le monopole masculin des armes», qui vient faciliter l’appropriation des femmes dans le travail et la sexualité[48].

Dix ans plus tard, une femme témoigne que pendant la grève étudiante de 2012, les femmes avaient la responsabilité d’aller acheter le matériel pour fabriquer les bannières et les drapeaux. Mais il semble qu’il y ait eu une certaine reconfiguration, plusieurs femmes ayant répondu à «l’appel de la brique», formant même des groupes d’affinité composés uniquement de femmes, et menant des actions directes en plein cœur des manifestations[49]. On en revient d’une certaine manière à l’organisation des suffragettes, c’est-à-dire que réfléchir au passage à l’action violente semble bien plus difficile en mixité, en raison entre autres des enjeux de la division sexuelle du travail militant. La non-mixité offre un espace où les femmes peuvent plus facilement se réapproprier les armes de la lutte, mais s’agit-il alors d’une émancipation ou d’un repli nécessaire parce que la mixité rend plus difficile de répondre à « l’appel de la brique »?

Il semble d’ailleurs que, comme à Göttingen, division du travail militant, rapports sociaux et stéréotypes de genres soient encore prégnants. En 2012 dans les rues de Montréal, les hommes dans les Black Blocs agissaient de manière plus individualiste et même égoïste, les femmes répondant à des normes associées à la sollicitude envers les hommes, mais aussi envers les autres femmes, dans l’action et après. Une femme a témoigné que les hommes se comportaient souvent comme des «loups solitaires», les femmes formant des «meutes de louves[50]». Mais il serait prétentieux de prétendre fonder une analyse systématique sur seulement quelques observations, et trois entrevues. Pour y voir plus clair, il faudrait bien plus de matériel, et celui-ci manque présentement.

À l’issue de ces réflexions, nous sommes à même de constater en quoi la littérature actuelle sur les Black Blocs est marquée par l’absence de conceptualisation en termes à la fois de rapports sociaux, de sexes et de travail. En rappelant la lutte des suffragettes, nous avons ici souhaité soulever quelques intuitions et pistes de réflexion quant à l’articulation de ces actions directes contemporaines dans un contexte à la fois mixte, anonymisé et bien entendu, dans un contexte politique de vidéosurveillance, d’écoute électronique, d’infiltration policière et de judiciarisation des mouvements sociaux. Dans une perspective féministe et au regard des contraintes sécuritaires, il importe de réfléchir à la fois aux femmes dans les Blacks Blocs et aux enjeux de luttes internes auxquelles elles doivent faire face ainsi, pour que l’anonymat ne masque pas le pouvoir révolutionnaire des femmes prenant part à l’action directe.


[1] Voir, parmi d’autres, les travaux de Fanny Bugnon (dont son livre Les « amazones de la terreur » : sur la violence politique des femmes, de la Fraction armée rouge à Action directe, Paris, Payot, 2015) et l’ouvrage collectif dirigé par Coline Cardi et Geneviève Pruvost, Penser la violence des femmes, Paris, La Découverte, 2012. Voir aussi Pierre Samuel, Amazones, guerrières et gaillardes, Bruxelles, Complexe/Presses universitaires de Grenoble, 1975. Sur un ton plus militant, voir Butch Lee, The Military Strategy of Women and Children, Chicago-Montréal, Beguine Press-Kersplebedeb, 2003.

[2] Danièle Kergoat, «Le rapport social de sexe, de la reproduction des rapports sociaux à leur subversion», Collectif, Les rapports sociaux de sexe, Paris, PUF (coll. Actuel Marx), no 30, 2010, p. 64.

[3] Xavier Dunezat, Elsa Galerand, «Division du travail militant et articulation des rapports de pouvoir dans les mouvements sociaux», Raison présente, no 186, 2013, p. 11.

[4] Voir Xavier Dunezat, «Des mouvements sociaux sexués», Nouvelles Questions Féministes, vol. 19, nos 2-3-4, Paris,
 1998 et «Mouvements sociaux sexués: reproduction et changements», Cahiers du genre, no 26, Paris, L’Harmattan, 1999. Voir aussi Elsa Galerand, Les rapports sociaux de sexe et leur (dé)matérialisation : retour sur le corpus revendicatif de la Marche mondiale des femmes de 2000, thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal/Université de Versailles St- Quentin-en-Yvelines, 2007, p. 37-38.

[5] Doris Stevens, En prison pour la liberté! Comment nous avons conquis le vote des femmes aux États-Unis, Paris, A. Pedone, 1936, p. 359.

[6] Anne-Marie Devreux, « Des appelés, des armes et des femmes : l’apprentissage de la domination masculine à l’armée », Nouvelles Questions Féministes, vol. 18, nos 3/4, 1997.

[7] Cette section s’inspire des références suivantes : Martha Vicinus, «Tactiques des suffragettes anglaises : Espace des hommes et corps des femmes», Marie-Claire Pasquier (dir.), Stratégies des femmes, Paris, Tierce, 1984, p. 407-423; Ray Strachey, The Cause : A Short History of the Women’s Movement in great Britain, Londres, Virago, 1979 [1928]; Midge Mackenzie, Shoulder to Shoulder, New York, Alfred A. Knopf, 1975; Brian Harrison, Separate Spheres : The Opposition to Women’s Suffrage in Britain, New York, Holmes & Meier Publishers, 1978.

[8] Emmeline Pankhurst, My Own Story, Londres, Eveleigh Nash, 1914, p. 218 (traduction libre).

[9] Andrew Rosen, Rise Up, Women!, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1974, p. 189.

[10] C. J. Bearman, «An examination of suffragette violence», English Historical Review, vol. CXX, no. 486, 2005, p. 365-397.

[11] Idem., p. 365-397.

[12] Virginia Woolf, Three Guineas, New York, Harvest Books Harcourt, 1966 [1938], p. 148.

[13] Monique Biarnais, «Introduction», André Léo, La femme et les mœurs : monarchie ou liberté, Tusson (Charente-France), Du Lérot, 1990, p. 11.

[14] Voir la reproduction d’un tel document, dans Richard A. Rempel, Andrew Brink, Margaret Moran (dir.), The Collected Papers of Bertrand Russell, vol. 12, Londres, G. Allen & Unwin, 1985, p. 268.

[15] Idem., p. 266.

[16] Idem., p. 276 et 289.

[17] Idem., p. 288.

[18] Dans Brian Harrison, «Bertrand Russell : The False Consciousness of a Feminist», Russell : the Journal of Bertrand Russell Studies, vol. 4, no 1, 1984, p. 170.

[19] Idem., p. 176.

[20] Richard A. Rempel, Andrew Brink, Margaret Moran (dir.), op. cit., p. 244.

[21] Dans Brian Harrison, «Bertrand Russell : The False Consciousness of a Feminist», op. cit., p. 177.

[22] Harold Laski, «The Militant Temper in Politics», Fifth suffragette lecture, 18 novembre 1932 (Musée de Londres, Z6061), p. 8-9 (cite dans Brian Harrison, Separate Spheres, p. 198).

[23] Linda Martz, «Frederick Pethick-Lawrence (1871-1961) : l’homme parmi les suffragettes», Martine Monacelli, Michel Prum (dir.), Ces hommes qui épousèrent la cause des femmes : dix pionniers britanniques, Paris, Éditions de l’Atelier, 2010, p. 171.

[24] Il semble pertinent de rappeler qu’il n’existe pas qu’un seul Black Bloc, mais bien d’innombrables Black Blocs, qui n’ont pas forcément de liens entre eux.

[25] Ce sommet s’est déroulé du 20 au 22 avril 2001 dans la ville de Québec et regroupait 34 chefs d’État négociant la mise en place de Zone de Libre-Échange des Amériques (ZLÉA).

[26] Pour une analyse en profondeur de la question de l’anonymat et de la représentation esthétique et visuelle des Black Blocs, voir la thèse de Maxime Boidy, Une iconologie politique du voilement : sociologie et culture visuelles du Black Bloc, thèse de doctorat, sociologie, Université de Strasbourg, 2014.

[27] Jules Falquet, «Trois questions aux mouvements sociaux “progressistes” : Apports de la théorie féministe à l’analyse des mouvements sociaux», Nouvelles Questions Féministes, vol., 24 no 3, 2005, p. 21.

[28] Maggie, Rayna, Michael, Matt
 (The Rock Bloc Collective), «Stick it to the Manarchy» [Web].

[29] Adam Grey Lewis, Decolonizing Anarchism : Expanding Anarcha-Indigenism in Theory, mémoire de maîtrise, programme Cultural Studies, Queen’s University, 2012, p. 185.

[30] Starhawk, Parcours d’une militante altermondialiste : de Seattle aux Twin Towers, Paris, Les empêcheurs de tourner en rond, 2003, p. 57-76.

[31] A.K. Thompson, Black Bloc White Riot: Anti-Globalization and the Genealogy of Dissent, Oakland-Edimbourg AK Press, 2010), chapitre 4 : «You can’t do gender in a riot».

[32] Edward Avery-Natale, «‘We’re here, we’re queer, we’re anarchists’: The nature of identification and subjectivity among Black Blocs», Anarchist Development in Cultural Studies, no 1, 2010, p. 95. Voir aussi A.K. Thompson, op. cit., p. 124.

[33] Krystalline Kraus, «Sisters in struggle», Rabble.ca, 21 juin 2002 [Web].

[34] Dark Star (dir.), Quiet Rumours : An Anarcha-Feminist Reader, San Francisco-Edimbourg, AK Press, 2002, p. 96.

[35] Amory Starr, Luis A. Fernandez, Christian Scholl, Shutting Down the Streets: Political Violence and Social Control in the Global Era, New York, NYU Press, 2011, p. 160. 

[36] Il serait intéressant de vérifier l’intuition mise de l’avant dans la littérature militante postulant que pour ce qui a trait au Québec, la tactique Black Bloc est mobilisée par des personnes issues de ce que nous pourrions nommer la «classe moyenne».

[37] À cet égard, consulter le chapitre 4 «You can’t do gender in a Riot», dans A.K Thompson, op. cit.

[38] José Pedro Zuquete, «Men in Black : Dynamics, violence, and Lone Wolf potential», Terrorism and Political Violence, vol. 26, no 1, 2014, p. 106 (notre traduction).

[39] Mariana Corrêa dos Santos, Silvio Pedrosa, «Corps en mouvement : les Black Blocs à Rio et les représentations de la résistance», Les Temps modernes, no 678, 2014, p. 73.

[40] Dans un article issu de sa thèse de doctorat portant sur les mouvements de chômeurs et chômeuses à Morlaix et Rennes, en France, Dunezat prend comme point de départ d’analyse «l’évidence suivante : si ces groupes sociaux entretiennent un rapport spécifique dans la société globale, ce rapport existe nécessairement “à l’intérieur” des mouvements sociaux, sauf à considérer ces mouvements comme des moments a-historiques, a-culturels, asociaux» («Des mouvements sociaux sexués», op. cit.,p. 163).

[41] Idem., p. 162.

[42] Émeline Fourment, Cagoule noire et ongles roses : féminismes et rapports de genre dans la gauche radicale de Göttingen, mémoire, Institut d’études politiques de Paris, 2014.

[43] Idem., p. 8.

[44] Idem., p. 93.

[45] Idem., p. 94.

[46] Idem., p. 97 et 100.

[47] Francis Dupuis-Déri, Les Black Blocs : la liberté et l’égalité se manifestent, Montréal, Lux, 2007 (3e edition), p. 149-150.

[48] Paola Tabet, La construction sociale de l’inégalité des sexes : des outils et des corps, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 74-75.

[49] Selon une entrevue réalisée pour la 4ième édition du livre Les Black Blocs (uniquement disponible en anglais : Who’s Afraid of the Black Blocs ? Anarchy in Action Around the World, Toronto, Between the Lines, 2013).

[50] Idem.