C’est une plaie
ISABELLE AYOTTE
(texte et illustrations)
gonflée comme un caillot
une mère vide, épuisée
assaillie
creusée de l’intérieur
quelque chose se reproduit
me gruge
la forteresse désaffectée
de mes cauchemars
d’enfant
hantée jusqu’à la cuisine
où les souliers collent au plafond
une poussière épaisse
tapisse ma gorge
relents de fumée apaisante
les tentacules du passé se baignent dans mes fluides
je m’assèche
de la peau jusqu’aux idées
les vagues me bercent de leur musique
et tout le reste gronde à l’unisson
vibration de train qui passe
sous mon corps
carapace dure
effritée lourde
devenue immobile
un collage
rapiécée avec choix
la frange déchirée
peu de douleurs paraissent
les neurones grillent
laissent une odeur de brûlé
feux de joie
une ribambelle d’attaques de panique
enfants mort-nés
au dossier médical
ne joueront jamais
dans mes cheveux à raser
n’aurai jamais l’occasion de les étriper
comme elle l’aurait fait de nous
saturée d’un rôle mal défini
laissées à elles-mêmes les bêtes gluantes
dans le néant bourrant mes tripes
chaque petit mensonge
démolit l’édifice
de ce que l’on tente de construire
une effraction pognée sur le fait
à l’intérieur de mes cellules
les traces de toutes les histoires vécues
la maison n’a jamais su jouer son rôle de mère
une goupille retirée trop tôt
couler à pic dans la lave de la colère
des femmes emprisonnées
pour légitime défense
il faut se battre
il faut toujours se battre
même si parfois on perd