Baseball Bromance

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RENAUD PILOTE

 

 

Ça commence par des petits riens. Une expression de balle entendue en même temps lors d’une soirée. Une référence obscure à un film avec Kevin Costner. Un ami qui dit nonchalamment « Renaud? On dirait pas ça avec ses petites lunettes, mais lui y connaît ça le baseball… »  Et éventuellement, ça y est, l’oreille a été tendue. Pour lui comme pour moi, on ne peut plus ne pas être au courant. Et pourtant, on se connaît depuis longtemps.

 « Dude, il y a 3 ans, tu m’aurais dit que tu aimais le baseball, je t’aurais unfriendé solide. Mais là, ça fait deux ans que je suis fou dingue de ça pis là ton existence pourrait pas m’être plus précieuse. »

 Ça continue avec des hyperliens. Un beau catch s’étant produit la veille à San Diego. Une situation loufoque impliquant deux gérants, trois arbitres et un raton-laveur qui ne se laisse pas attraper. Une liste des mois de mai les plus productifs de l’histoire pour les frappeurs gauchers. Un blogue qui fait l’éloge détaillé (très détaillé) de Bryce Harper. Bryce Harper, c’est son joueur, son dieu. Comment lui en vouloir? Le gars a sorti la balle du Tropicana Field à 17 ans…

 « Dude, te rends-tu compte que t’es la seule personne à qui je peux parler de Babe Ruth sans que tu me juges si je pleure de joie? Enfin! »

 Ça se raffine avec le quotidien. En plein cœur de l’été, des messages textes en mode trivia. Des questions à indices. Nommez 10 lanceurs avec 3000 retraits au bâton en carrière. On peaufine notre savoir abusivement inutile jusqu’aux petites heures du matin. On parle en sigles (OPS., RBI., OBP., WAR., WHIP., etc.) On apprivoise tranquillement l’autre. On se dit qu’un de ces quatre, il faudra bien aller voir une game au stade municipal. Demain? Oui tiens, pourquoi pas.

 « Dude, hier soir, au stade, j’ai rarement été aussi heureux que ça. Ç’était un beau programme double. »

 Ça se perpétue de loin en loin. Après quelques bières pour fêter l’accession des Cubs en séries de division, se taper la cinquième manche du documentaire Ken Burns, question de frémir un brin. Les années 30. L’époque des gros cogneurs, Hack Wilson, Lou Gehrig, Jimmy Foxx et compagnie. Une autre cigarette. Ils ne peuvent pas comprendre. Ils ne peuvent pas comprendre notre bonheur. Dans ce monde où tout semble factice, de seconde main, il n’y a que ça de vrai, une balle cognée par un bâton. Ils ne peuvent pas comprendre à quel point c’est difficile, cogner une balle avec un bâton. Ensemble, toi et moi, on retourne à l’essentiel.

 « Dude, je vais crécher sur ton divan. Suis trop scrappe pour descendre la côte. »