Amélie Gillenn
I.
Ils ont fait don d’anthrax
envoyé par colombe
Nous avons ouvert
la poudre aux yeux
Leurs visages à roues de Troie
était-ce vraiment l’amour
ou un fixe dans l’oeil?
1000 ans à retrouver nos organes
Ces amants матрёшки
qui sont passés ou restés
vissés de travers
font grincer l’effarouchement de nos bois
J’ai (malheureusement) baisé la peur
Je veux maintenant braiser la honte
évanouir les hydres
laissées comme sigiles
Je ne sais plus qui je suis
mais je sais ce que je ne suis pas
ni le fer rougi
ni l’aspic des lèvres
Je te fais don du saule
du bulnesia sarmentoi
d’une grive d’une tourterelle
de l’asclépiade bénie
(Un jour, ils deviendront des ex-voto)
Je n’ai pas la morphine pour l’ hier
Je ne peux ouater le demain
J’apothicaire l’aujourd’hui
d’un mélange de nos cendres
Tu auras les yeux scellés
J’étendrai la glaise et le miel
de mes mains qui prient
sur ton corps d’empoisonné
Je te dirai:
« Ils sont partis. Et je suis là.
J’ai sucé le venin à ta plaie
Tu peux aimer en paix, va. »
***
II.
Nous croyions
que nous creusions nos tombes
à vouloir colmater nos affres
mais voilà que derrière
toute cette terre rognée
a érigé un collier
de montagnes de silicium
et de runes prophétiques
sommets de coupe glacée
à caresser les stratus
Mes mains prient de prendre tes mains
Mes pieds foulent la lisière de ton réel
faille en pente douce et instable
à rendre jaloux les mystères d’Erebus
Combien de fois
ai-je voulu dire « moi aussi »
comme une clameur qui honnit
et que je tais?
Je ne veux plus être l’ombre de personne
surtout pas la tienne
Ce soir je te crie:
« Moi aussi! Moi aussi! »
comme un cristal au soleil
***
Nécrologie
Tu seras morte une galaxie
au travers de la tête
ou d’ une collision
avec une malachite
je ne saurais dire
je ne suis pas coroner
et je n’ai jamais visité Versailles
Tu feras quelques bulles de bave
sans avoir eu le temps
de vagir tes noms importants
ton dévisage
tes yeux soufflés de Murano
dans un dernier éclat
à mille fragments
devenus semi-précieux
une milliseconde
avant
On se souviendra que
Tu aimais à croire
Que tu irais loin et creux et noir
l’astrologie nécrologique
à l’appui
plié en bandouilère
qui te prédisait
un manoir en Vénus
avec des bras
et plein de tiroirs
à remplir
ta cosmogonie
Tu avais l’air
plus freak encore
On aurait juré croiser
une peinture cubiste
accidentée
avec une Shakti
de mauvaise foi
une foirasse foraine
à se donner, toujours
À se donner gratis
à se donner
surtout
en spectacle
sur les routes à battre
pour la liesse
ou le silence à venir
La femme à barbe
qu’on t’appelait
dans ton dos
et ton dos
parèdre
les toisait
de tes omoplates clairvoyantes
Tu aimais dire tendrement
« Touche la barbe-à-maman! »
J’entendrai longtemps après
ta disparition
ce que tu riais seule
Au bout de ton menton
ce que tu voulais dire
par tant de syntaxe abrupte
qui rentrait fort
et sortait doux
quand on te demandait
la vérité
Tu avais ce don
d’engrammer
tout sur ton passage
cellule par cellule
de ton regard de vol d’étourneaux
Au-dessus de nos vies métropoles
de gratte-cieux urticaires
en Béton-kalashnikov
grises et meublées du vide
Tu me manqueras tant
toi et ton asthme de Taos
Je garde en moi les géodes
de nos silences
maintenant que tu t’analèmes
dans le vertige du 8 infini
Amélie Gillenn est née au cimetière Notre-Dame-des-Neiges entre deux vols de passerins indigo. Elle se définit comme écrivaine, passeuse, miroir, pont, aven, asclépiade, mère, amoureuse et féministe.