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ANNE-CHRISTINE GUY

Originalement paru sur Mercredi 15h37

Illustration: Anne-Christine Guy

 

L’hiver est arrivé
Je parlais encore d’automne dans ma tête

J’ai l’impression de pouvoir toucher le temps des Fêtes du bout des doigts
J’ai toujours peur dans ces moments-là
quand je me projette vite vers l’avant
J’ai toujours peur de ne pas bien profiter de mon temps

trop loin du moment présent
C’est le moment des bilans
Un an de vie qui s’achève

Il me semble que depuis que je ne suis plus écolière
les cycles sont flous
Travailler à l’année

(Aparté relié)

L’autre jour
dans les vapes de l’alcool
j’ai écrit le plus beau des poèmes
mais sans le noter

Écrire dans ma tête
Encore loin du moment présent
alors qu’il me passe sous les yeux…

Quand je révise les jours passés
j’ai parfois de la difficulté à me rappeler la saison
Mon diagramme temporel interne n’est plus fonctionnel
totalement bousillé

Pourtant, mon été
rempli de moments doux à mon cœur
se définit par ce moment précis :

Moi, seule dans l’auto
la courbure de la route
et la chanson dans mes oreilles
Moment de béatitude totale

Puis l’automne

Puis l’hiver

Et vlan, on est janvier!
Même plus proche
du temps des Fêtes

La routine s’installe
et j’essaie d’être une meilleure personne
Je ne fais pas de résolutions
je me fixe des objectifs

Pour l’instant, mon objectif est de me lever
et je remercie la vie
d’avoir une coloc
qui le fait mieux que moi

Je suis sur le chômage
mais je ne chôme pas

Quand je vais à l’épicerie
je vais à la caisse de la p’tite madame aux cheveux courts et gris
Je sais qu’elle m’aime bien
elle me fait toujours des compliments
Ça te pimpe une journée, ça!

Le monsieur des falafels est smatte aussi

Je sors peu de la maison
Quand je le fais, c’est un évènement
En général, c’est pour voir ma mère
ou faire mon épicerie
ou les deux en même temps

Je sors dans des partys le mardi soir
mais je rentre à la même heure que Cendrillon
Pas possible de faire semblant
que je ne vois pas que je commence à vieillir

Cette chronique est sur le temps qui passe
et ma foi, il passe vite

En un clin d’œil, on est février
J’ai froid des cuisses et mal aux genoux quand je sors dehors
Je suis de retour derrière un bureau
et végétalienne jusqu’au 28

Février, il fait froid Je garde le lit
je ressasse mes souvenirs d’enfance
Une question existentielle me hante :
Est-ce que la voix de Doualé était faite par une femme blanche?

Février, il fait love aussi
Valentin nous hante
et je n’y suis pas insensible

Tannée des garçons
qui ne veulent que jouer
à la pêche sportive
je m’invente une romance fictive

Comme une ado de 15 ans
je crushe sur cet acteur britannique
j’écoute ses chansons regarde ses films
Peut-être demain
je me ferai un Tumblr
avec ses photos

demain
demain

Cette chronique est sur le temps qui passe
Cette chronique que j’étire depuis trop longtemps
par besoin d’épanchement

mais
je cesse
je cesse
à la prochaine